Ce que l’on oublie d’apprendre aux médecins
Chère lectrice, cher lecteur,
« Est-ce que le gastro-entérologue est le spécialiste de la diarrhée ? »
C’est ce que j’ai écrit dans l’un de mes récents ouvrages (Avez-vous un bon médecin ? paru aux éditions Fayard).
La question peut paraître curieuse car oui, en cas de diarrhée, c’est probablement vers le gastro-entérologue que vous vous tourneriez.
Et pourtant…
Quand une « simple » diarrhée cache en réalité un cancer…
Il y a quelque temps, j’ai reçu dans mon cabinet, un homme qui souffrait d’une tumeur de la glande thyroïde, appelée cancer médullaire de la thyroïde.
Cette tumeur a la particularité de libérer des substances qui provoquent une diarrhée très caractéristique : elle survient après les repas et conduit le patient à se lever la nuit pour se rendre aux toilettes. Elle est particulièrement impérieuse.
C’est en m’interrogeant sur ces diarrhées particulières que j’ai pu diagnostiquer ce cancer, ce que d’autres médecins auraient aussi sans doute fait à ma place.
Mais dans le cas de cet homme, deux gastro-entérologues consultés au préalable n’avaient envisagé à aucun moment que cette diarrhée puisse avoir une autre origine qu’une maladie de l’intestin.
Comment ont-ils pu passer à côté de cela ?
Les futurs spécialistes en gastro-entérologie font leur formation dans le service éponyme. Ils ne voient donc que des malades dirigés vers leur centre pour une maladie intestinale déjà retenue ou fortement suspectée.
Ils assistent alors à des examens endoscopiques qui mettent généralement en évidence une maladie de l’estomac, du duodénum ou du côlon. En cas de résultats négatifs, les malades sont le plus souvent reconduits chez eux, avec pour consigne de revoir le problème avec leur médecin traitant. L’interne ne connaîtra alors jamais le diagnostic final.
C’est l’inconvénient de ces centres hyper-spécialisés (je dirais même trop spécialisés), qui ne sont pas représentatifs de ce que les médecins retrouveront plus tard en cabinet.
En cabinet libéral, leur activité les conduira forcément à recevoir des patients souffrant de troubles digestifs en apparence, mais dont la cause réelle n’est pas digestive. Ils devront alors faire ce que l’on appelle des diagnostics différentiels et envisager bien d’autres pathologies en cause dans une diarrhée.
Les vilains défauts de la médecine moderne
Devant une diarrhée chronique, tout spécialiste devrait se poser la question suivante : « Avant d’envisager une cause intestinale, pourrait-il y avoir une cause non digestive ? »
C’est la question que se posera un médecin généraliste ou un spécialiste de médecine interne avant d’aller explorer l’intestin (par exemple une hyperthyroïdie ou un trouble du métabolisme du calcium).
Malheureusement, il n’est pas nécessaire d’avoir fait un stage dans un service de médecine générale ou de médecine interne pour devenir gastro-entérologue.
Cela n’est pas une offense. Ce n’est pas une critique, et cela ne concerne d’ailleurs pas tous les médecins, loin de là .
Mais je constate malheureusement qu’il y a des enseignements importants que l’on oublie dans les facultés de médecine.
Dans cette lettre, je souhaite partager avec vous le regard étonné que j’ai pu porter dans certaines situations. Et même si la grande majorité des médecins est d’une conscience professionnelle irréprochable, en soulignant quelques petites anomalies ou curiosités, on peut aider à davantage de réflexion.
Ne croyez pas aveuglément vos résultats d’analyses (l’exemple du parasite « fantôme »)
J’aimerais vous donner un autre exemple : les examens complémentaires ou les analyses biologiques.
Les médecins s’appuient sur des explorations complémentaires, qu’elles soient radiologiques, ou biologiques, notamment pour conforter un diagnostic.
Or on sait que les examens biologiques sont toujours moins efficaces qu’une prise en charge clinique par un bon interrogatoire et un examen du patient.
Aujourd’hui, faute de temps et faute de rémunération à la hauteur de leurs responsabilités, les médecins privilégient les examens complémentaires au détriment de l’examen minutieux du patient.
De plus, certains d’entre eux se fient à des analyses qui ne reflètent pas vraiment l’état de santé du patient, peuvent induire en erreur et faire renoncer au bon diagnostic.
Je m’explique.
Prenez un malade souffrant de démangeaisons au niveau de l’anus. Le médecin recherchera peut-être des parasites dans un examen des selles. Il sera étonné de trouver un résultat négatif, et il écartera ce diagnostic… à tort !
En réalité, on peut tout à fait avoir des parasites intestinaux et ne pas les retrouver dans un examen de selles. Paradoxalement, c’est même la grande majorité des cas !
Pourquoi ?
Parce qu’un être vivant (le ver ou le parasite) ne va pas passer sa vie sur des matières fécales. Ils ont plutôt tendance à s’accrocher à la paroi intestinale, en particulier en cas de pathologie inflammatoire et exsudative.
On ne peut donc pas s’appuyer sur un tel examen pour prescrire ou non un traitement.
Il y a d’autres façons de poser un diagnostic de parasitose intestinale, par exemple en regardant la totalité des examens effectués les 15 dernières années pour y observer une fois un nombre d’éosinophiles élevé.
Mais qui a le temps de regarder une pile d’examens biologiques de 5 centimètres d’épaisseur ?
On enseigne les cas les plus rares…
et on oublie l’essentiel !
Les exemples seraient nombreux de ce qu’il faudrait enseigner aux étudiants en médecine pour qu’ils aient un esprit ouvert et critique.
Les études sont ainsi faites que l’on enseigne à des étudiants des syndromes extrêmement rares et qu’ils ne verront jamais de toute leur carrière.
On voit en détail des maladies congénitales que jamais aucun médecin généraliste ne pourra prendre en charge seul, et dont les symptômes seront tellement parlants que le malade sera adressé tout de suite aux spécialistes hospitaliers concernés.
En revanche, des pathologies extrêmement fréquentes, vues plusieurs fois par jour en consultation de médecin généraliste, ne sont pas explicitées.
Pire encore, les modalités de prise en charge sont à peine évoquées : cryothérapie, curetage, électrocoagulation, préparation kératolytique…
L’exemple de la tache brune
Mettez-vous à la place du jeune médecin non-spécialiste qui voit sur la peau des taches pigmentaires marrons toutes différentes, que l’on désigne sous le nom de lentigo, nævus, melasma, maladie de Dubreuil, ou encore verrue séborrhéique…
La difficulté de mettre un nom sur cette tache rend le diagnostic et le traitement difficile…
Voici alors ce qui se passe en général :
- Le médecin envoie le malade chez un dermatologue et, en attendant, rédige une prescription totalement inutile (souvent une pommade émolliente) pour le faire patienter
- Le dermatologue prendra moins de trois secondes pour enlever ce point avec une curette.
Et ainsi, pour un geste que n’importe quel soignant pourrait faire, on se retrouve à organiser une succession de rendez-vous pour un coût important en termes d’honoraires et de crèmes souvent inutiles (à payer de la poche du malade si ce sont des cosmétiques).
Je pense donc qu’on gagnerait à prendre plus de temps à former ces jeunes médecins sur la différenciation de ces taches.
Pour qu’un médecin généraliste puisse sans aucun doute connaître la nature d’une tache pigmentée, il suffirait qu’il passe 15 jours dans un service de dermatologie.
Malheureusement, les cerveaux qui dirigent les facultés de médecine n’y ont jamais pensé. On croit que le médecin apprendra sur le tas. Mais si personne n’est là pour le lui expliquer, comment pourrait-il savoir ce qu’il doit faire ?
Ces petits bouts de chair qui inquiètent votre médecin… pour rien
Vous connaissez peut-être ces petits bouts de chair qui pendent sous les aisselles ou le long du cou et de la nuque. On les appelle les molluscum pendulum.
Certaines personnes ont pris l’habitude de mettre un fil autour pour asphyxier le morceau de peau et le voir tomber en quelques jours.
Combien voit-on de consultations de spécialistes pour cela, alors qu’il suffirait pour un médecin généraliste d’appliquer une crème anesthésique et de couper ces petits acrochordons aussitôt.
Mais là encore, il n’y a aucun cours sur ces petites tumeurs bénignes…
Et dans un autre temps, on enseigne des tumeurs telles que la tumeur de Merkel, qu’un spécialiste verra au maximum trois fois dans sa vie… Un généraliste n’a pas besoin de connaître en détail cette tumeur, si ce n’est de savoir que toute tumeur d’aspect inhabituel devra avoir l’avis du spécialiste.
On l’empêche de traiter son Parkinson
car elle ne tremble pas
Je constate aussi que certains médecins ont une vision trop étroite des pathologies et de leurs symptômes.
Récemment, un médecin a arrêté le traitement par dopamine que j’ai prescrit à une dame âgée qui avait des sensations de brûlures sur le visage, ce qui relevait d’une maladie de Parkinson.
Il a arrêté ce traitement pourtant efficace parce que, selon lui, il ne pouvait y avoir de maladie de Parkinson sans tremblement.
Pourtant, quand on se renseigne sur cette maladie, on apprend que le tremblement est probablement l’un des signes les moins présents avec Parkinson.
Cette pathologie se révèle avant tout par des troubles du sommeil, des vertiges et des sensations dysesthésiques, c’est-à -dire des brûlures sur la peau.
Il suffit alors de rechercher une forme particulière de contraction musculaire, qu’on appelle hypertonie en tuyau de plomb, pour poser le diagnostic sans attendre le tremblement qui ne viendra peut-être jamais.
Tant que les études médicales seront centrées sur une pathologie que l’on isole de l’ensemble des autres troubles, d’autres fonctions ou d’autres organes, on ne pourra pas faire de la médecine de qualité.
Ils annulent leur traitement…
et tant pis si ça les soignait !
D’autres généralistes s’offusquent de me voir prescrire de la metformine à leurs malades non diabétiques, sous prétexte que ce médicament a eu l’autorisation de mise sur le marché uniquement pour le diabète de type 2.
Pourtant, ce médicament a fait la preuve de son intérêt et de son efficacité dans la prise en charge de l’insulinorésistance biologique, qui précède de plusieurs années le développement du diabète… et qui est surtout un facteur de risque d’accident vasculaire cérébral, d’infarctus et de cancer.
Sous prétexte que ce médicament est « normalement » fait pour le diabète, on voit ce traitement arrêté, quand bien même le malade aura perdu du poids, se sentira en meilleure santé et n’aura plus besoin de son traitement pour le cholestérol.
Pour une médecine humble !
Il s’agit là d’un manque d’humilité en médecine et on sait que l’ego des médecins (dont je ne suis pas dépourvu d’ailleurs) est important.
Mais pour autant, il ne doit pas suppléer la connaissance, la nécessité de se former et de consulter tous les jours les dernières parutions scientifiques.
Il n’y a pas une seule consultation sans que je montre au patient, études à l’appui :
- Pourquoi sa maladie de Parkinson est en lien avec sa maladie de Crohn,
- Que la « metformine » a des propriétés bénéfiques pour sa sclérose en plaques
- Ou encore que sa dépression lui fait courir des risques de cancer et de démence
Malheureusement, on n’apprend pas aux étudiants à se tenir à jour des dernières découvertes, ni à se préparer au vrai quotidien du généraliste…
Ceux qui ont la charge des programmes de faculté sont trop éloignés du terrain. Ce ne sont pas eux qui sont tous les jours en consultation auprès des malades.
Pourquoi d’après vous tant de malades sont déçus de la médecine ?
Pourquoi tant de patients ne veulent plus se faire suivre par un médecin, réclament des solutions naturelles et demandent l’avis de naturopathes ?
Tout simplement parce que la médecine n’a pas la réponse à leurs questions, alors qu’elle devrait l’avoir si les médecins étaient formés différemment.
Bien Ă vous,
Pr Philippe Humbert
J’ai beaucoup aimĂ© votre article très intĂ©ressant et instructif.
Je vous remercie et vous supplie de continuer Ă en produire pour notre information .
Je suis complètement d’accord avec ce qui est dit. Je voudrais simplement ajouter un commentaire. . Il semble que de plus en plus de médecins, surtout partis les plus jeunes, n’examinent plus véritablement les patients…. Pas de prise de tension, de pou, ne contrôlent pas les réflexes même lorsqu’on évoque des troubles neuro-moteur. D’après un médecin de 72 ans il semble que les praticiens. Herchent à se couvrir avé. Des examens « opposables » radio, scanner, IRM etc… dans le cas que vous citez le généraliste n’e oie t’il pas directement le patient vers un spécialiste ? On a l’impression que les médecins actuellement ont peur de toucher leurs patients. J’aimerais ôter opinion. C. Auxiètre
Bonjour,
8 mois de diarrhĂ©e sans discontinuer ou presque, sur un fond de crhĂ´n et de spa sĂ©vère.. et après fibro/colo, l’on me parle d’une 3ème pathologie auto-immune qui provoque des colites lymphacitaires.. sans traitement après 8 semaines
Dois-je m’inquiĂ©ter svp ?
C’est bien dommage qu’on n’apprend plus aux futurs mĂ©decins des bases, comme le diagnostic clinique ou l’Ă©coute du patient. C’est la mĂ©decine qui doit s’adapter au patient et non l’inverse.
Bonsoir Monsieur Philippe Humbert, merci pour votre article que j’ai trouvĂ© bien adaptĂ© Ă un contexte effectivement assez frĂ©quent de nos jours , ça fait plaisir de constater que vous ĂŞtes conscient de certains manquements dans la mĂ©decine « de base » . .Cordialement Michel
Bonsoir , jamais rien sur ma neuropathie en chaussettes – dĂ©but vers 2010 orteils serrĂ©s — c’est montĂ© aujourd’hui aux 3/4 des mollets – plus de relevĂ© des pieds , pluas s d’Ă©quilibre , marche très ralentie , – au dĂ©part recherche Lyme (‘ mĂŞmes symptĂ´mes ) mais pas trouvĂ© – depuis RIEN je suis seule Ă continuer de chercher  »’ consolation : pas douloureux –
Ces vĂ©ritĂ©s ne vont pas plaire aux CHU, en particulier celui de Besançon, Ă l’ARS ,et au conseil d’Etat!
Merci au professeur pour avoir mis avec humilité ce que beaucoup de patients ont remarqué et subi au cours de leurs divers périples médicaux longs ,invasifs et quelques fois inutiles,coûteux pour la société et dangereux par la perte de temps.ESPÉRONS que ce message soit un jour entendu par les sphères concernées!!!!!!!!
Tout Ă fait vrai! Je ne vais pratiquement plus voir mon gĂ©nĂ©raliste, (15 jours de dĂ©lai au mieux pour un rendez-vous) ses rĂ©ponses sont toujours les mĂŞmes alors que les mĂ©dicaments prescrits restent sans effets sur mes problèmes. C’est compliquĂ© de se faire soigner.
Bonjour,
Je viens de lire votre lettre. Il y a quelque temps, j’ai Ă©tĂ© consulter un gastroenterologue car j’avais des problèmes intestinaux. J’avais passĂ© une semaine avec de la diarrhĂ©e jour et nuit. On m’a donnĂ© un rĂ©gime, des mĂ©dicaments pour stopper la diarrhĂ©e et ensuite, comme par le passĂ© j’ai enchaĂ®nĂ© diarrhĂ©e et constipation. Le RV avec le gastroenterologue est arrivĂ©. Elle a posĂ© les mĂŞmes questions. Après un toucher rectal, elle m’a conseillĂ© de faire des mouvements pour retrouver l’Ă©lasticitĂ© du rectum, m’a donnĂ© une pommade pour une irritation, et m’a dit de revenir si la diarrhĂ©e revenait car il faudrait alors recourir Ă une coloscopie..
Depuis quelques semaines, mes selles sont toujours molles, parfois assez liquides. Je n’ai pas bcp mangĂ© ces derniers jours. Je n’ai pas de selles.
Mes intestins gargouille t.
Je n’ai pas très confiance en les traitements qui m’avaient Ă©tĂ© ordonnĂ©s par ma gĂ©nĂ©raliste ou sa remplaçante et n’ai pas très envie d’avoir recours Ă une coloscopie..
Pourriez-vous me dire ce que je dois faire, SVP, à part revenir à une alimentation normale ??? Je suis sous anti-depresseurs et médicament neurologique pour mon arthrose.
Je vous remercie.
Bonjour Pr Philippe Humbert,
Je viens de lire votre lettre que mes grands-parents reçoivent depuis plusieurs années.
En tant que jeune médecin généraliste venant de terminer ma formation, je souhaiterai nuancer vos propos concernant les études de médecine et la formation actuelle des jeunes médecins.
Tout d’abord, a propos du fait « qu’il n’est pas nĂ©cessaire d’avoir fait un stage dans un service de mĂ©decine gĂ©nĂ©rale ou de mĂ©decine interne pour devenir gastro-entĂ©rologue », ce n’est plus le cas depuis plusieurs annĂ©es car tous les externes (Ă©tudiants de la 4ème Ă la 6ème annĂ©es de mĂ©decine) doivent rĂ©aliser un stage obligatoire en mĂ©decine gĂ©nĂ©rale pour aborder le concept de « prise en charge global », dont le fait d’envisager de multiples diagnostics diffĂ©rentiels dès que le patient vient avec un motif (comme la dĂ©pression lors d’une douleur de dos, fait très commun en mĂ©decine gĂ©nĂ©rale).
Il y a d’ailleurs depuis quelques annĂ©es un rĂ©fĂ©rentiel dĂ©diĂ© Ă la mĂ©decine gĂ©nĂ©rale fait par les enseignants de mĂ©decine gĂ©nĂ©rale avec des questions posĂ©es dans l’examen/concours avant l’internat.
Dans le cas de dĂ©mangeaisons au niveau de l’anus, ce sera avant tout un examen clinique qui sera fait de la zone, un interrogatoire dĂ©taillĂ© (notamment des pratiques sexuelles qui seraient conduites), et après un test par scotch test avant de faire tout autre examen complĂ©mentaire… Je l’ai aussi bien appris en mĂ©decine gĂ©nĂ©rale, qu’en stage d’externe en gastro-entĂ©rologie et dans mes livres de parasitologie.
Les mĂ©decins ne font pas plus d’examens complĂ©mentaires Ă cause de la rĂ©munĂ©ration ! En plus du manque de temps pris par certains praticiens, c’est parce que la mĂ©decine s’est diversifiĂ© avec une approches basĂ©es aussi sur les preuves, par la judiciarisation de la sociĂ©tĂ© et la pression de certains patients Ă avoir recourt aux examens complĂ©mentaires (en n’hĂ©sitant pas Ă changer de mĂ©decin si besoin est, malgrĂ© la pĂ©nurie actuelle) et le manque de formation clinique initiale (car pas assez de terrain de stage et d’enseignants pour former) que ces dĂ©rives ce font. Par ailleurs, un mĂ©decin exerçant isolĂ©ment fera plus d’examens complĂ©mentaires qu’un mĂ©decin travaillant a minima dans un rĂ©seau de soins. Or les jeunes mĂ©decins travaillent beaucoup plus en rĂ©seau que leurs prĂ©dĂ©cesseurs.
Si je partage votre constat qu’il est nĂ©cessaire d’avoir une amĂ©lioration globale de la formation, aller dans un service de dermatologie ne permet pas systĂ©matiquement de faire la diffĂ©rence entre « lentigo, nævus, melasma, maladie de Dubreuil, ou encore verrue sĂ©borrhĂ©ique ». Pour avoir fait un stage de 6 semaines en dermatologie en centre hospitalier, je peux vous assurez que ce n’est pas lĂ -bas que j’ai appris ces diffĂ©rences, mais en me formant en congrès et auprès de praticiens de mĂ©decine gĂ©nĂ©rale pendant mon internat.
Enfin, je vous rappelle que devant une judiciarisation forte de la sociĂ©tĂ© et la perte de l’autoritĂ© mĂ©dicale telle qu’elle existait il y a encore quelques dizaines d’annĂ©es (ce qui a des avantages et des inconvĂ©nients), il nous revient de nous appuyer, en tant que jeunes mĂ©decins, sur des preuves concrètes et documentĂ©s, et donc d’Ă©viter les prescription hors AMM. L’affaire du MĂ©diator a Ă©tĂ© un bon exemple de dĂ©rive de certains traitements en dehors de l’AMM. Les seules possibilitĂ©s sont dans le cadre des Ă©tudes en cours ou lors de rĂ©daction de thèses/Ă©tudes robustes rĂ©centes.
Merci du temps que vous prendrez Ă lire ce commentaire.
Cordialement
Cher confrère,
Je suis tout à fait intéressé par les nuances que vous souhaitez apporter à mes propos concernant les études médicales. Au sujet du stage pour devenir gastro-entérologue, je me plaçais dans le cadre de l’internat qui, pour acquérir la spécialité de gastro-entérologue, n’oblige pas d’être interne dans un service de médecine générale ou de médecine interne.
Par ailleurs, je reviens sur ce que vous dites concernant un stage obligatoire en médecine générale pour les étudiants médecine de 4e à la 6e année, afin d’envisager de multiples diagnostics différentiels dès que le patient vient avec 1 motif : véritablement, avez-vous déjà vu que cela soit possible dans le cadre d’une consultation de 7 à 15 minutes ? Comment le médecin généraliste va-t-il évoquer le diagnostic différentiel ? va-t-il citer une liste des maladies qui se révèlent par une dépression, comme par exemple le cancer du pancréas ? Ira-t-il évoquer une maladie de Parkinson ? la pratique de la médecine ne lui permet pas d’envisager les diagnostics différentiels sauf à cocher une liste et à passer une heure avec le malade.
Concernant le prurit anal, bien sûr, l’examen clinique est indispensable, mais dans 90 % des cas on ne verra aucune lésion, tout au plus une lésion de grattage. Vous évoquez les pratiques sexuelles ? Avez-vous vu une seule publication qui évoque comme cause du prurit de telles pratiques sexuelles ? je serais très intéressé.
En revanche alors que vous semblez vous intéresser à la prise en charge globale, vous oubliez que le prurit anal va se rencontrer chez des personnes qui ont un prurit du cuir chevelu, un prurit du conduit auditif externe, une hyperéosinophilie sur une prise de sang d’il y a 5 ans, 8 ans ou 10 ans : est-ce que l’on apprend aux malades de garder leur prise de sang toute leur vie ?
Et bien entendu, puisqu’il n’y aura jamais aucune preuve de la présence du parasite sauf à aller racler la muqueuse exsudative d’un intestin grêle, il faudrait que le médecin généraliste sache faire le test thérapeutique en prescrivant un antiparasitaire.
Vous savez que la médecine basée sur les preuves a été à l’origine de bon nombre d’erreurs. Aujourd’hui, il y a le concept de « patient centered based medicine ». L’un des problème a été qu’il n’y avait de science que de collectif et que l’on est bien embarrassé pour passer de données agrégées, moyennées des essais contrôlés portant sur des critères, qui ne sont pas forcément ceux qui intéressent le plus les patients, à des décisions individuelles. Les données de l’EBM sont donc difficilement applicables à l’individu et l’EBM est centrée sur des critères les plus objectifs possibles, sans tenir beaucoup compte de ce qui intéresse les patients.
Vous évoquez le nomadisme médical et c’est en effet un problème, de même que le manque de formation clinique initiale et je ne peux que vous soutenir dans vos propos. Le travail en réseau, est intéressant conceptuellement. Mais il est plus compliqué en pratique, et je le sais très bien pour l’avoir vécu en dermatologie où on présente des cas cliniques avec des photos et on demande quel est votre diagnostic ? Bien évidemment, on est très loin de ce que l’on peut imaginer lorsque l’on a le malade devant soi à qui on peut poser la question : « est-ce que vous toussez ? » Lorsque vous demandez au présentateur du cas clinique : « est-ce qu’il tousse ? », il vous répondra « euh non ! » « Est-ce qu’il a des ganglions ? » « Euh non, l’examen est strictement normal. »
Vous savez qu’on ne peut pas faire confiance à un médecin qui vous demande un avis par téléphone parce que les éléments dont vous avez besoin, il ne les aura pas, il ne les aura pas cherchés et il va le dissimuler.
Vous savez aussi qu’il y a le phénomène de Duning, qui fait que le médecin le moins compétent aura le plus de sûreté. Combien de fois ai-je entendu un médecin s’écrier devant un lésion circinée : « c’est un dermatophytie ! » sans avoir le moindre recul et dse dire que c’était peut-être un lymphome cutané. Dans ce cas-là , les autres médecins n’ oseront plus rien dire. En revanche, faire passer le malade auprès de trois médecins, non pas en même temps, mais successivement peut être extrêmement utile.
Concernant la dermatologie, il est dommage que l’étudiant en médecine ne soit pas en charge du curetage des verrues séborrhéiques, il apprendrait vite à distinguer un lentigo d’une verrue ou de tout autre lésion. Et pourquoi ne l’apprend-on pas en dermatologie ? Parce que les médecins hospitaliers vont surtout s’exciter sur un mouton à cinq pattes sans aucun intérêt et négligeront les pathologies qui font le quotidien du médecin généraliste.
La Judiciarisation de la société ne doit pas conduire à faire une médecine qui soit délétère pour le malade. Car aujourd’hui, l’on peut traiter des patients avec des médicaments qui n’ont pas encore l’autorisation de mise sur le marché mais pour lesquels il y a suffisamment de publications internationales rigoureuses pour le faire.
Sinon cela reviendrait Ă ne traiter efficacement qu’avec les thĂ©rapeutiques qui sont Ă©conomiquement intĂ©ressantes pour les laboratoires qui auront fait des Ă©tudes pour la mise sur le marchĂ©… ou Ă ne faire la mĂ©decine que sur ce que nous avons appris dans nos Ă©tudes. D’ailleurs, allez-vous chercher les preuves lorsque votre professeur de parasites vous dit que l’on traite la lambliase par fasigyne ? Ou allez-vous appliquer directement cette information ?
Les plaintes mĂ©dicales sont surtout dues Ă des fautes techniques et Ă des problèmes relationnels entre le mĂ©decin et le malade. Regardez par exemple les innombrables patients qui souffrent de douleurs abdominales et Ă qui l’on dit qu’ils ont un cĂ´lon irritable et qu’ils n’ont qu’à prendre du dĂ©bridat, tout cela parce qu’on refusera de poser un diagnostic de maladie de Crohn sous prĂ©texte que la coloscopie est normale.
La mĂ©decine restera toujours un art mĂ©dical et personne n’ira demander une preuve absolue du diagnostic que seule une autopsie pourrait apporter. En revanche, l’association de signes cliniques (douleurs abdominales, diarrhĂ©e, glaires dans les selles) et biologiques (dĂ©ficit en vitamine B 12, qui est absorbĂ©e sur l’ilĂ©on sans autre cause, prĂ©sence d’anticorps anti-saccharomyces dont la seule prĂ©sence mĂŞme Ă des taux infĂ©rieurs au seuil signe l’existence d’un foyer inflammatoire digestif, l’augmentation du taux de lysozyme…) est suffisante pour retenir le diagnostic et guĂ©rir le malade efficacement en le traitant par exemple par MIKICORT ou PENTASA ou METHOTREXATE.
Va-t-on continuer pendant des siècles Ă nier l’existence d’une maladie inflammatoire parce qu’on ne la voit pas au bout de l’endoscope ? Imaginez le rhumatologue qui rĂ©fute le diagnostic de polyarthrite parce que la radiographie des articulations est normale ?
On voit aujourd’hui trop de médecins accrochés aux fameuses « RECOS » : mais les malades n’attendent pas cela ! Ils attendent de leur médecin de la réflexion, un raisonnement. Et plutôt que de traiter par statine une hypercholestérolémie, il est plus utile, favorable aux patients, de prendre en charge une insulinorésistance et traiter le malade par Metformine (même si ce médicament n’a pas encore l’autorisation de mise sur le marché dans cette indication).
car en traitant l’insulinorésistance vous faites baisser le cholestérol, vous faites maigrir le malade , vous diminuez le risque de diabète (alors que la plupart des statines l’augmente !!) Vous diminuez le risque de cancer, d’AVC et d’infarctus ;
La pire des choses aujourd’hui ce sont les RECOS !!
Que dire de ce mĂ©decin qui a critiquĂ© mon attitude d’avoir traitĂ© une jeune fille de 14 ans, ayant une acnĂ© grave, par spironolactone (aucun laboratoire n’a dĂ©posĂ© d’AMM pour l’acnĂ©, et pourtant la Haute autoritĂ© de santĂ©, sans plus de preuves que vous dans votre cabinet avec PubMed sur votre ordinateur, la recommande dans l’acnĂ©), et d’avoir recommandĂ© l’arrĂŞt du gluten alors qu’elle prĂ©sentait tous les signes cliniques d’une intolĂ©rances, mais pas les anticorps anti-transglutaminase (parce que personne ne veut reconnaĂ®tre la maladie non cĹ“liaque dĂ©crite en 2015 par Monsieur Lebwohl, ou NCGI Non Coeliac Gluten Intolerance, ne voulant s’accrocher qu’à la maladie cĹ“liaque), et de voir disparaĂ®tre son Ă©pilepsie conduisant la maman Ă arrĂŞter le mĂ©dicament.
Il s’avère qu’il y a des études de neurologues qui préconisent l’arrêt du gluten en cas d’épilepsie et en cas d’intolérance, et qu’il y a même des groupes de travail, comme Stelior à Genève, particulièrement actif dans ce domaine. Faut-il laisser une adolescente sous Dépakine malgré tous les risques gènotoxiques parce que cela rentre dans les clous de l’EBV, ou n’est-il pas du devoir du médecin de l’informer de tout ce dont elle souffre, de mettre en route les préconisations et de s’apercevoir qu’on va la guérir autrement ?
L’affaire du Mediator ? Ce n’est pas une prescription hors AMM, car je crois qu’il y a peu d’études qui soutenaient l’utilisation de ce médicament pour la perte de poids. Si vous entrez « benfluorex and weight » sur PubMed, vous trouvez 50 publications et seule une poignée d’articles soutenait ses effets sur le poids. Si vous entrez « metformin and weight » sur PubMed, vous trouvez 6950 publications !
Si on veut que la médecine soit efficace, qu’elle progresse, on ne peut pas s’appuyer uniquement sur des études solides ! Savez-vous que 60 % des prescriptions au minimum en médecine générale sont hors AMM ! Par exemple, le traitement de Helicobacter dans la rosacée a transformé la vie des malades. Et pourtant, il n’y a pas d’études sur les effets de l’antibiothérapie (utilisée pour le traitement de Helicobacter) sur l’efficacité dans la rosacée. Il y a des publications sur le traitement de la bactérie, des publications sur la présence de la bactérie en cas de rosacée, mais rien entre les 2. C’est donc bien le raisonnement du médecin, son intelligence, et ses connaissances qui lui ont permis de se dire que logiquement en traitant la bactérie on devrait améliorer la rosacée. Je pourrais vous donner de nombreux exemples comme celui-ci.
En tout cas, merci pour ce débat passionnant, pour votre investissement en médecine et ce qui compte c’est votre passion, c’est l’amour de vos patients et je n’en doute pas une seule seconde que vous ayez ces qualités. C’est pourquoi je pense que vous serez un médecin aimé, certainement adulé.
Bien cordialement,
Pr Philippe Humbert
ne croyez-vous pas que comme l’Ă©ducation nationale, Ă qui on a supprimĂ© l’Ă©cole Normale, et qui a rĂ©gresser Ă la 26ème place, qu’il en va de mĂŞme pour la mĂ©decine dont on oblige dĂ©sormais les mĂ©decins Ă faire leur mise Ă jour rĂ©gulière auprès des labos plutĂ´t que dans les hĂ´pitaux?? je crois que la mĂ©decine est en danger aussi. Et on oppose constamment la mĂ©decine naturelle Ă la mĂ©decine allopathique alors qu’au Etats-Unis dans les plus grandes UniversitĂ©s ils rĂ©Ă©tudient la mĂ©decine naturelle qui a progresser formidablement, alors que l’allopathique n’a rien inventĂ©. Donnez-moi votre opinion s’il vous plait!!!
M. le professeur,
Merci beaucoup de décrire et expliquer si bien ce que je pressens depuis longtemps, sans toujours trouver les mots justes.
La Covid a Ă©tĂ© un Ă©lĂ©ment d’accĂ©lĂ©ration. En effet, on a vu dĂ©filer des cohortes de mĂ©decins sur les plateaux de TV et, leur inexpĂ©rience et mĂ©connaissance Ă©taient flagrantes. HĂ©las, la confirmation de tout ceci, a Ă©tĂ© l’acceptation du dictat de l’Etat et du Conseil national de l’ordre des mĂ©decins interdisant de prescrire aux mĂ©decins ! sans commentaire.
M. le professeur, ne nous abandonnez pas, continuer Ă nous Ă©clairer.
Carpe diem !
bonjour
très intĂ©ressant ce que vs dĂ©crive ,justement ,j ‘ai un peu se problème avec mon mĂ©decin
depuis septembre j ‘ai des douleurs au creux
de l’estomac ,il me donne enzopremazol un par jrs et depuis j ‘ai le cotĂ© arrière gauche qui me brule de tems a autre et toujours des douleurs a l’estomac ,et la ,il me dit ce n ‘es rien ,alors faut t il le croire , je passe une fibro le 29 nove, merci de me lire
Ça m’a fait tellement plaisir de vous lire! Enfin quelqu’un qui met en question la façon de travailler des mĂ©decins! Car bien que la science leur apporte un fabuleux complĂ©ment d’analyse, l’idĂ©e que les maladies peuvent peuvent ĂŞtre liĂ©es Ă des facteurs pas Ă©vidents au simple 1er coup d’Ĺ“il, est presque perdue. Il faudrait garder la tradition des anciens mĂ©decins de campagne qui Ă©taient obligĂ©s « d’explorer » par des questions, les habitudes alimentaires, l’existence d’autres cas similaires dans la famille du patient, etc…
Merci de parler de ce manque et de rappeler les raisons pour lesquelles la médecine en est là actuellement.
Position à laquelle je ne peux que souscrire, me soignant par l’acupuncture, l’homéopathie et l’ostéopathie depuis toujours.
Une approche globale est indispensable au lieu d’isoler les symptômes et permet très souvent de déceler la cause véritable d’une pathologie.
Voila une analyse pleine de bon sens. Il est bien dommage de constater, au fil du temps et au fur et Ă mesure des dĂ©couvertes que l’on fait chaque jour grâce Ă des articles comme celui-ci, que son mĂ©decin traitant ne vous apporte rien si ce n’est le renouvellement d’une ordonnance avec toujours la mĂŞme prescription dont on ne sait mĂŞme pas si elle est appropriĂ©e. Pour ma part, je n’ai plus du tout confiance.
ça fait peur ce que vous dites…
Je suis vos lettres depuis quelque temps, c’est lĂ que j’ai entendu parler du lichen vulvaire. Le gynĂ©co m’avait dit d’aller voir un dermato, mon mĂ©decin traitant m’a donnĂ© du betneval, et je me suis mise plutĂ´t de l’huile de noix de coco. Mais je ne suis pas sĂ»re que ce soit la bonne chose Ă faire… Vous ne consultez plus ? Je vous ai cherchĂ© Ă Besançon, pas trouvĂ©. Je vais 3 ou 4 fois/an lĂ -bas voir mon fils et sa petite famille. Pouvez-vous me recevoir ?
Merci d’avance pour votre rĂ©ponse et Ă bientĂ´t j’espère
Bonjour madame,
je suis à ornans vous pouvez appeler mon secrétariat au 03 70 88 50 99
cordialement
Vous pourriez ĂŞtre contente du Ialuset (en vente libre en pharmacie). Mais bien sĂ»r, il vous faut peut-ĂŞtre une bonne crème corticoĂŻde en plus. A vous faire prescrire par un mĂ©decin qui sache ce qu’est un lichen. Courage pour en trouver un, en gĂ©nĂ©ral il faut un peu d’errance mĂ©dicale pour y parvenir.
Les gastro-entèrologues ne savent pas soigner l ‘insuffisance hĂ©patique et portant ça gâche la vie
Pour le reste tout a fait d’accord
B.B
Bonjour,
Merci beaucoup pour vos explications si simple et logiques.je suis entiĂ©rement d’accord avec vous sur les Ă©tudes de la mĂ©decine moderne – il y que des protocoles sans aucune rĂ©flĂ©xions humaines….
merci encore pour ce que vous faites.
L.Rippling