Naturopathie : quand les journalistes s’acharnent avec de vieux dossiers

Charlatans, dérapeutes et compagnie

Chère lectrice, cher lecteur,

Ces derniers mois, le déferlement d’articles dénigrant la naturopathie ne vous a probablement pas échappé.

Le néologisme « dérapeute » a même fait son apparition, une contraction des mots dérapages et thérapeutes.

Je trouve le terme particulièrement bien choisi pour qualifier toutes ces personnes qui profitent de leur position pour manipuler des personnes fragiles ou qui ont de grandes attentes pour leur santé.

Mais nous sommes d’accord, s’il arrive à des naturopathes mal formés de déraper, cela arrive dans tous les métiers du soin, conventionnel ou non.

Les exemples ne manquent pas, par exemple lorsqu’un généraliste caresse les parties génitales de ses patientes^[1] ou qu’un psychiatre induit de faux souvenirs et abuse sexuellement d’une cliente^[2].

Et n’oublions pas les 450 000 erreurs médicales qui surviennent chaque année en France^[3].

Jette-t-on l’opprobre sur toute la profession ?

Non, on sanctionne les personnes et leurs déviances.

Toute une profession dénigrée pour une poignée de déviances et de vieilles croyances

Dans un contexte houleux pour toute la profession, notamment après la décision de Doctolib de « radier » les naturopathes de leur plateforme, la médisance est aisée.

Et bon nombre de journalistes se sont littéralement lâchés ces derniers mois.

Le 7 décembre 2022, c’est le journaliste Thibaut Schepman qui a remis le couvert avec un article documenté… avec des archives des années 1970 !

Cet auteur est un habitué des articles peu nuancés sur les médecines naturelles^[4-5] comme Un fasciste peut se cacher derrière un visage qui promeut les médecines naturelles ou Naturopathie : devenez charlatan grâce à Pôle emploi…

Publié sur le site de l’INA, la Revue des médias^[6], l’un de ses derniers articles, intitulé Aux sources de la stratégie médiatique des naturopathes, évoque « une stratégie média bien huilée », depuis les premières apparitions télévisuelles des naturopathes (comprenez charlatans).

Oui car dans les années 1970, YouTube ou les réseaux sociaux n’existaient pas. Le meilleur moyen de faire le buzz était de passer à la télévision !

Si vous étiez en âge de regarder le petit écran à cette époque, vous peinez peut-être à imaginer des naturopathes occupant l’espace médiatique de manière influente.

C’est normal !

Hormis quelques apparitions fugaces où des journalistes se questionnaient sur leur pratique, il est certain que leur « mécanique bien huilée » se résumait à tenter de défendre une autre voie que celle du tout médicament qu’offrait la médecine conventionnelle.

Le fondateur de la naturopathie française pris pour cible

Si la naturopathie ne cesse de se populariser à travers le monde, ce n’est pas du fait d’influenceurs dangereux mais en raison de son bien-fondé, qui a notamment conduit l’OMS^[7] à la placer au rang de troisième médecine traditionnelle au monde.

Dans cet article à charge, le fondateur de la naturopathie française, le biologiste Pierre-Valentin Marchesseau (non pas Vincent comme il est présenté dans la première partie du papier), est présenté comme « l’ancêtre des antivax ».

Pourquoi ? Parce qu’il ose citer un certain Professeur Mauriac, qui remettait en cause la surmédication ainsi qu’un trop grand nombre de vaccinations sans s’occuper du terrain des personnes (42’20 sur reportage de l’ORTF en 1974).

Des paroles on ne peut plus sages, même avec le regard de scientifiques éclairés (et sans conflit d’intérêts) d’aujourd’hui !

Que peut-on reprocher à cet homme, si ce n’est d’avoir mis en avant la prévention, et mis en garde contre l’excès de chimie.

Rappelons que M. Marchesseau a rassemblé un grand nombre de pratiques non dangereuses et salutaires.

Qu’il a synthétisé un très grand nombre de travaux et recherches pour donner une structure solide à la naturopathie d’aujourd’hui. Par exemple, il a priorisé les 3 approches majeures pour une bonne santé, à savoir :

• Une alimentation saine, à une époque où le terme même de malbouffe a été inventé (définition officielle donnée en 1972^[8]), et où l’on recommandait la bière pour s’hydrater en cas de canicule (jusqu’à 1,5 litre par jour sans risque selon le comité national de défense contre l’alcoolisme^[9] !).
• L’activité physique adaptée et l’intérêt du mouvement.
• L’hygiène neuropsychique, qui comprend l’intérêt d’un bon sommeil, une bonne gestion du stress, un bien-être social…

Ces 3 axes sont aujourd’hui communément admis par la médecine conventionnelle comme étant des piliers fondamentaux pour une bonne santé, sans bien sûr que personne ne fasse référence à P.-V. Marchesseau.

Un des rares reproches que l’on peut lui faire est… d’avoir vécu dans les années 1970 !

Et je suis certain qu’il y aurait de quoi tourner en ridicule bon nombre de médecins bien conventionnels pour des propos absurdes à cette même époque (si ce n’est encore aujourd’hui !).

Excès de zèle…
Des naturopathes à fuir

Marchesseau prônait une naturopathie orthodoxe, axée notamment sur la notion d’hygiénisme.

Ce concept repose sur le principe que les maladies sont la conséquence d’un « encrassement » de l’organisme.

Mais on ne peut évidemment pas soutenir objectivement que TOUTES les maladies en découlent !

Si vous entendez un naturopathe tenir ce discours, fuyez !

Affirmer que le jeûne guérit le cancer, que tout le monde devrait manger cru pour retrouver une parfaite santé ou que tous les médicaments sont nocifs relève de croyances erronées.

Ce n’est évidemment pas sérieux et dangereux !

Ceux qui tiennent ce genre de propos font de l’excès de zèle. Peut-être ont-ils constaté de formidables guérisons, des personnes dont la santé physique et psychique s’est entièrement améliorée après des changements alimentaires ou des cures de jus.

Mais ces changements ne peuvent convenir à tous !

Pire, ils peuvent aggraver l’état de santé, voire faire mourir des personnes, comme cela aurait malheureusement été le cas^[10]. D’autant plus s’ils en viennent à refuser leur traitement et accompagnement médical.

P.-V. Marchesseau n’a jamais rejeté la médecine conventionnelle.

L’un de ses leitmotivs était même « La véritable intelligence est celle qui ne rejette rien et intègre tout ».

Cela comprend naturellement les avancées en biologie, en médecine ou en physiopathologie que les formations sérieuses en naturopathie intègrent dans leur programme.

D’après cet « expert »,
vous ne pouvez pas accélérer l’élimination de vos toxines ! ?

Revenons au fameux article de Thibaut Schepman…

Pour appuyer ses propos, ledit journaliste est épaulé par l’« expert » Tibault Fiolet, jeune titulaire d’un doctorat en Santé Publique (non-médecin), qui se prononce sur le concept de détoxification.

D’après lui, « cette idée de détoxification est complètement inventée, c’est du marketing ».

Bien qu’il ne nie pas l’existence d’une fonction de détoxification du foie (ce qui reviendrait à méconnaître totalement un fait bien établi), M. Fiolet nie que nous puissions accélérer les processus en cause.

Il est pourtant des réalités physiologiques que notre expert semble ignorer.

Entrons brièvement dans des notions un peu techniques de ces processus.

Pour éliminer les polluants, médicaments ou autres xénobiotiques, le foie dispose de 3 étapes de détoxications :

• La phase 1 rend solubles les substances toxiques avec l’inconvénient de générer des composés plus dangereux que les toxiques eux-mêmes.
• La phase 2 neutralise ces composés dangereux.
• La phase 3 consiste à éliminer tous ces déchets, principalement via la bile et les urines.

Bonne nouvelle, que notre expert semble ignorer, il est possible (et souvent souhaitable) de soutenir ou stimuler chacune de ces phases !

Par exemple :

• Le sulforaphane du brocoli inhibe les enzymes de phase 1 et stimule les enzymes de phase 2, donc stimule le processus de détoxication du foie en nous protégeant des métabolites toxiques^[11].
• L’artichaut active l’excrétion des sels biliaires^[12] parfois surnommés « détergents biologiques » car ils contiennent les toxiques solubilisés mais aussi du cholestérol et de la bilirubine (qui, si elle est mal évacuée, provoque la jaunisse). Nous produisons entre 500 à 600 ml de bile chaque jour !
• Le chardon Marie augmente aussi le flux biliaire tout en protégeant le foie des toxiques^[13].
• La verge d’or (Solidago virgaurea) augmente l’excrétion rénale^[14] donc favorise l’évacuation des toxiques solubilisés lors des phases de détoxication du foie.
• Combler des carences en micronutriments peut pallier un ralentissement des fonctions de détox hépatique : l’activation des enzymes en cause nécessite en effet des cofacteurs tels que vitamines du groupe B, magnésium, zinc, manganèse^[15]…
• Etc.

En conclusion, un journaliste devrait toujours bien choisir ses experts !

Et si l’on s’en tient à la Charte d’éthique professionnelle des journalistes, le journaliste « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique […] ; tient l’intention de nuire […], la déformation des faits […], la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles^[16] ».

C’est dit.

Regardons dans la même direction

Je trouve déplorable la façon dont de nombreux journalistes traitent le sujet des médecines naturelles.

Comme s’il existait deux mondes totalement différents : d’un côté les détenteurs de la vérité reposant sur une science omnisciente ; de l’autre, des personnes crédules qui ne croient qu’en la magie.

Le naturopathe doit bien évidemment faire évoluer sa pratique, et les formations doivent encore progresser. Mais comme celles des médecins qui devraient intégrer une vision plus large et intégrative.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il existe un grand socle de connaissances communes et les différentes conceptions de la santé se rapprochent de plus en plus souvent.

Par exemple, les praticiens en médecine fonctionnelle ou en médecine intégrative sont en phase avec les naturopathes sur de nombreux points.

Mais ne soyons pas naïfs, toutes les formations de naturopathie ne se valent pas. D’où la nécessité d’un encadrement de la profession.

Certains praticiens restent dans de vieilles croyances sans n’avoir rien remis en question. Mais ce problème peut exister chez n’importe quel professionnel de santé !

Heureusement, la majorité des naturopathes choisissent les formations initiales des plus qualitatives, se forment régulièrement et respectent un code de déontologie.

Mais combien de conseils trop légers sont donnés sur Internet, sans qu’aucun propos ne soit étayé un tant soit peu ?

C’est l’une des raisons pour laquelle j’ai lancé la revue Solutions Naturopathie il y a 4 ans : proposer un discours clair et objectif sur la santé, en alliant savoir traditionnel et connaissances scientifiques.

D’ailleurs, nos contributeurs sont tantôt scientifiques, praticiens en médecine fonctionnelle, naturopathe, biologistes… et les savoirs se complètent et se rejoignent merveilleusement !

Si nous pouvions œuvrer dans un seul but : améliorer la santé de tous… ce serait plus constructif, n’est-ce pas ?

Une bonne santé ne se résume pas à l’administration de vaccins et de médicaments !

À bon entendeur…

Nicolas Wirth, naturopathe et rédacteur en chef de Solutions Naturopathie