Les anciens faisaient ceci le 6 avril

Chère lectrice, cher lecteur,

L’ail des ours est l’une des premières plantes à sortir de terre après l’hiver…

Et cela tombe à pic : ses bienfaits détoxifiants sont particulièrement adaptés au début du printemps.

L’ail des ours est d’ailleurs au cœur de la pharmacopée traditionnelle occidentale.

Et les anciens le savaient bien : ils cueillaient les feuilles d’ail des ours au tout début du mois d’avril (parfois déjà en mars) pour se purifier après la saison froide.

Car oui, il existe un lien intime et mystérieux entre les plantes et notre santé.

Chaque plante pousse à un moment précis dans l’année… qui correspond très exactement aux besoins de notre corps à cette période.

La nature est bien faite, n’est-ce pas ?

Malheureusement, plus personne ne connaît ces étonnantes correspondances de nos jours…

Mais pour nos grands-parents, c’était une évidence.

Ils savaient quelle plante récolter à quel moment de l’année.

Et surtout, ils savaient comment les préparer pour en tirer un maximum de leurs bienfaits :

  • Le pissenlit (avril-mai) pour éliminer les toxines du foie après l’alimentation riche et grasse de la saison hivernale1

  • Le millepertuis, qui fleurit à la fin de l’été, peu avant la fameuse dépression saisonnière, pour agir sur l’humeur2

  • Le thym serpolet, qu’on peut cueillir en automne pour renforcer son immunité3

  • Les fruits de l’églantier (les fameux gratte-culs), bombes de vitamine C, à cueillir dès les premiers gels et durant tout l’hiver pour renforcer votre vitalité et éviter les coups de fatigue4

Malheureusement, ce savoir se perd. C’est pourquoi je suis partie à la rencontre de l’une des dernières herboristes d’Europe.

Mon but ?

Renouer avec ce savoir ancestral sur les plantes médicinales.

Ail des ours : Celtes, scientifiques et ours tombent d’accord

Revenons à l’ail des ours.

Vous l’aurez compris, c’est le moment idéal pour profiter de ses bienfaits !

C’est rare qu’une plante fasse l’unanimité auprès des scientifiques et des anciens.

Mais pour l’ail des ours, on dirait que tous ceux qui l’étudient ou l’utilisent sont d’accord sur ses vertus purificatrices.

À commencer par les animaux : on raconte qu’au printemps, après l’hibernation, les ours consomment ses feuilles pour se purger. C’est d’ailleurs cela qui aurait donné son nom à l’ail des ours.

Il s’agit peut-être d’une légende… mais ce qui est prouvé, en revanche, c’est que les hommes du Néolithique consommaient déjà l’ail des ours il y a plus de 3600 ans.

En étudiant les diagrammes polliniques des herbacées sur le site néolithique de Clairvaux, des scientifiques ont retrouvé des traces importantes d’ail des ours, parfois en plus grandes quantités que les céréales ! Pour les archéologues, il est probable que nos ancêtres en consommaient beaucoup, y compris après la floraison de celui-ci5.

Par la suite, l’ail des ours a été utilisé par les Grecs, les Celtes et les Germains comme plante purifiante. Dioscorides, le médecin grec, faisait mention de ses propriétés détoxifiantes en 50 apr. J.-C.

Au Moyenâge, on disait de cette plante qu’elle avait des pouvoirs puissants, presque magiques.

Les femmes enceintes en remplissaient leurs poches pour protéger l’enfant à naître. On le jetait dans l’eau pour la purifier6.

Pour eux, l’ail des ours était encore plus puissant que l’ail cultivé.

L’usage médicinal de l’ail des ours est encore très largement reconnu en Europe de l’Est, où sont menées depuis plus de 20 ans de nombreuses études pour faire reconnaître ses bienfaits7.

Et on peut dire que les recherches ont largement confirmé l’intuition de nos ancêtres sur l’ail des ours, et même plus…

 

84 études impressionnantes sur cette « nouvelle approche thérapeutique »

Aujourd’hui, on ne présente plus l’ail, considéré par la plupart des nutritionnistes comme un superaliment, si ce n’est LE superaliment par excellence.

On lui attribue des bienfaits dans la prévention de l’hypertension, de certaines tumeurs ou encore du vieillissement8.

On parle beaucoup moins de son cousin « sauvage », alors que ces dernières années, plus de 84 études scientifiques ont été menées sur lui, avec des résultats stupéfiants.

D’ailleurs une importante étude parue en 2021 a comparé les différentes espèces d’ail en passant en revue toute la littérature scientifique sur cette grande famille de plantes.

Elle a montré que l’ail des ours n’avait rien à envier aux gousses de culture9.

Les auteurs lui ont trouvé un nombre incalculable de principes actifs : allicine, quercétine, soufre, caroténoïdes, phénols, acide coumarique, kaempferol… faisant de lui un puissant antioxydant aux propriétés multiples.

Ce serait un peu long de vous citer les 84 publications, mais voici un aperçu qui vous donnera une idée du potentiel thérapeutique impressionnant de cette plante :

  • Oxydation : depuis les années 1990, plusieurs recherches ont démontré que l’ail des ours possédaient un grand nombre de molécules antioxydantes jusque-là inconnus10. En 2013, les travaux de biologistes roumains ont découvert que l’ail des ours était l’espèce d’ail la plus riche en kaempferol, un flavonoïde qui lutte contre les radicaux libre présents dans le sang11.

  • Infection : en 2009, des scientifiques bulgares ont prouvé que l’ail des ours possédait des propriétés antimicrobiennes et antifongiques12.
  • D’autres études recommandent même son usage par l’industrie pharmaceutique13 !

  • Troubles cardiaques : l’an dernier, une équipe russo-serbe a trouvé que la consommation d’extrait d’ail sauvage pendant 28 jours contribuait de manière significative à la récupération de la fonction cardiaque chez les rats. Les chercheurs concluent que « l’ail sauvage possède un rôle important dans la cardioprotection et une forte activité antioxydante, ce qui implique la possibilité de son utilisation seule dans la prévention ou comme thérapie antioxydante adjuvante dans les maladies cardiovasculaires14. »

  • Hypertension : une étude américaine a constaté chez des souris hypertendues que l’ail des ours avait un effet sur différents marqueurs cardiovasculaires (tension artérielle, cholestérol, insuline…) Les résultats étaient supérieurs à l’ail cultivé15. Des travaux menés par l’université de Debrecen (Hongrie) le présentent même comme une « nouvelle approche thérapeutique dans le traitement de l’hypertension pulmonaire16 » !

  • Problèmes digestifs : en 2017, une équipe serbe a conclu que l’ail des ours pourrait être utile dans le traitement de certains troubles gastro-intestinaux17.

  • D’autres études ont encore été menées sur différentes maladies, comme les ulcères chroniques18 ou les maladies métaboliques19

Quelques conseils pour les amateurs de cueillette

Aujourd’hui, la consommation de l’ail des ours s’est beaucoup développée et on en trouve de plus en plus dans les marchés ou dans les magasins bio.

Mais si vous habitez près d’une forêt, vous pouvez aussi le cueillir vous-même. Il tapisse généreusement les bois ombragés, au bord des rivières et dans les zones humides, si bien qu’il est facile d’en ramasser un bon sac sans risquer de mettre en péril sa population.

La cueillette est une activité ressourçante, gratifiante et qui permet de se nourrir gratuitement.

Voici quelques conseils du spécialiste de cueillette sauvage Michaël Berthoud, pour cueillir votre ail des ours en toute sérénité20 :

  • Les jeunes feuilles ont une forme de lance qui s’arrondissent en grandissant. Elles n’ont pas de poils et sont plutôt molles. La plante émet une odeur d’ail caractéristique quand vous la froissez entre vos doigts

  • L’ail des ours possède des fleurs blanches, munies de six pétales blancs et réunies en ombelles, qui fleurissent entre avril à juin.

  • La plante pousse dans les forêts humides, à partir du mois de mars, souvent au bord des rivières et peut recouvrir le sol sur des dizaines de mètres

Risques de confusion

Michaël Berthoud mentionne 3 plantes qu’on peut confondre avec l’ail des ours et vous propose des critères pour bien les différencier21 :

  • Le colchique d’automne (Colchicum autumnale) a des feuilles plus épaisses et rigides, leur bout est arrondi ; n’ayant pas de tige (pétiole), elles partent directement du sol. Le colchique pousse en milieu ouvert. Prenez donc garde en lisière de forêt, où les milieux des deux plantes peuvent se chevaucher.

  • Le muguet de mai (Convallaria majalis) pousse également en forêt. Il a cependant des feuilles plus charnues et rigides qui apparaissent plus tard. Ses fleurs en grappe sont facilement reconnaissables et fleurissent au mois de mai. Le risque existe donc avant leur floraison.

  • L’arum tacheté (Arum maculatum) pousse dans le même milieu. Cependant, les nervures de l’ail des ours sont parallèles, alors que celles de l’arum forment un réseau.

On a tendance à l’oublier, mais la cueillette faisait partie intégrante du métier d’herboriste, métier malheureusement en voie de disparition.

Je milite d’ailleurs depuis des années pour que cette tradition ancienne soit réhabilitée.

Amicalement,

Florent Cavaler





1. LES VERTUS SECRÈTES DU PISSENLIT, Consoglobe, 28 février 2017.
2. Les effets extraordinaires du Millepertuis sur l’humeur, Biophenix.
3. Stéphanie Catrysse, Serpole (serpyllum) : Les bienfaits de cette plante, Passeport Santé, 2 juin 2021.
4. Charlotte Jean, Cynorrhodon, la baie de la vitamine C, Darwin Nutrition, 28 septembre 2020.
5. Michèle Kaennel Dobbertin, Ail des ours: la force du printemps, Wald Wissen, 19 mars 2009.
6. Ail des ours, Doctissimo, 16 juin 2018.
7. Leporatti ML, Ivancheva S. Preliminary comparative analysis of medicinal plants used in the traditional medicine of Bulgaria and Italy. J Ethnopharmacol. 2003 Aug;87(2-3):123-42.
8. Stajner D, Milić N, Canadanović-Brunet J, Kapor A, Stajner M, Popović BM. Exploring Allium species as a source of potential medicinal agents. Phytother Res. 2006 Jul;20(7):581-4.
9. Kurnia D, Ajiati D, Heliawati L, Sumiarsa D. Antioxidant Properties and Structure-Antioxidant Activity Relationship of Allium Species Leaves. Molecules. 2021 Nov 26;26(23):7175.
10. Carotenuto A, De Feo V, Fattorusso E, Lanzotti V, Magno S, Cicala C. The flavonoids of Allium ursinum. Phytochemistry. 1996 Feb;41(2):531-6.
11. Parvu M, Toiu A, Vlase L, Alina Parvu E. Determination of some polyphenolic compounds from Allium species by HPLC-UV-MS. Nat Prod Res. 2010 Sep;24(14):1318-24.
12. Ivanova A, Mikhova B, Najdenski H, Tsvetkova I, Kostova I. Chemical composition and antimicrobial activity of wild garlic Allium ursinum of Bulgarian origin. Nat Prod Commun. 2009 Aug;4(8):1059-62.
13. Mihaylova DS, Lante A, Tinello F, Krastanov AI. Study on the antioxidant and antimicrobial activities of Allium ursinum L. pressurised-liquid extract. Nat Prod Res. 2014;28(22):2000-5.
14. Rankovic M, Krivokapic M, Bradic J, Petkovic A, Zivkovic V, Sretenovic J, Jeremic N, Bolevich S, Kartashova M, Jeremic J, Bolevich S, Jakovljevic V, Tomovic M. New Insight Into the Cardioprotective Effects of Allium ursinum L. Extract Against Myocardial Ischemia-Reperfusion Injury. Front Physiol. 2021 Jul 30;12:690696.
15. Preuss HG, Clouatre D, Mohamadi A, Jarrell ST. Wild garlic has a greater effect than regular garlic on blood pressure and blood chemistries of rats. Int Urol Nephrol. 2001;32(4):525-30.
16. Bombicz M, Priksz D, Varga B, Kurucz A, Kertész A, Takacs A, Posa A, Kiss R, Szilvassy Z, Juhasz B. A Novel Therapeutic Approach in the Treatment of Pulmonary Arterial Hypertension: Allium ursinum Liophylisate Alleviates Symptoms Comparably to Sildenafil. Int J Mol Sci. 2017 Jul 4;18(7):1436.
17. Pavlović DR, Veljković M, Stojanović NM, Gočmanac-Ignjatović M, Mihailov-Krstev T, Branković S, Sokolović D, Marčetić M, Radulović N, Radenković M. Influence of different wild-garlic (Allium ursinum) extracts on the gastrointestinal system: spasmolytic, antimicrobial and antioxidant properties. J Pharm Pharmacol. 2017 Sep;69(9):1208-1218.
18. LEVIN MM. [Treatment of chronic ulcers of the lower extremities with a phytoncidal ointment from Allium ursinum]. Vestn Dermatol Venerol. 1963 Feb;37:82-3. Russian.
19. RUBAT ML, MERAC. Recherches sur le métabolisme glucidique du genre allium et en particulier d’allium ursinum L [Research on the metabolism of glucides of the genus Allium, particularly of Allium ursinum L]. Annee Biol. 1950 Mar-Apr;26(3-4):119-25.
20. Michaël Berthoud, L’ail des ours, la force vitale du printemps, La Pharmacie secrète de Dame Nature N°8, avril 2018.
21.  Idem.

2 réponses à “Les anciens faisaient ceci le 6 avril”

  1. colette jean 06 dit :

    Superbe..!!! merci pour cet article qui montre à quel
    point la nature et le savoir de certains nous comblent
    Continuez…!!!!! cordialement

  2. Dufour Isabelle dit :

    Bonjour,
    Merci pour vos informations concernant les plantes et plus particulièrement celles qui sont comestibles comme L ‘AIL DES OURS.
    Je suis dans le sud-ouest et j’ai eu la chance de les avoir vu de près.
    Une personne faisant partie d’une association m’en avait déjà parlé l’année dernière.
    Depuis lorsque j’ai l’occasion j’en cueille en faisant attention de prendre que quelques feuilles sur chaque pied.
    Une saveur délicieuse,
    Il y a des recettes appropriées, qui font le BONHEUR DE NOS PAPILLES.

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