Le kebab, c’est méditerranéen, non ?
Chère lectrice, cher lecteur,
J’ai bien rigolé en sortant de chez moi, hier matin.
Le kebab du coin vient d’inaugurer son nouveau panneau publicitaire et… je n’en ai pas cru mes yeux. J’ai même pris une photo pour vous montrer :
Au premier coup d’œil, ce panneau a l’air tout à fait banal. Il ressemble à ceux que l’on retrouve devant la plupart des kebabs.
Mais à y regarder de plus près, on découvre un étrange « label », en bas à gauche de la publicité.
J’ai fait un zoom pour que vous voyiez mieux :
Traduction : « Alimentation méditerranéenne 100 % saine »
Une grosse portion de frites dégoulinante de sauce, du pain blanc fourré à la viande grillée…
C’est donc ça, le régime méditerranéen 100 % sain ???
En vérité, la question est légitime.
Si le kebab est bien né en Turquie, peut-on le considérer comme étant un plat méditerranéen ? Est-il vraiment aussi malsain qu’on le croit ?
Vous avez sans doute une petite idée de la réponse.
Mais lisez ma lettre jusqu’à la fin. Vous verrez qu’elle n’est pas aussi évidente qu’elle en a l’air…
Le kebab, l’arme secrète des soldats turcs
La légende raconte que les soldats turcs auraient eu l’idée de cuire la viande sur leur épée.
C’est de cette habitude que serait né le döner kebab (aussi appelé « grec » à Paris).
Le mot « kebab » vient de l’arabe. Il signifie « viande grillée ». Quant au mot « döner », il signifie « tournant », en référence à la fameuse broche tournante sur laquelle la viande grille.
Son existence est attestée depuis le XVe siècle dans l’Empire ottoman[1].
Mais à cette époque, le kebab n’avait rien à voir avec le plat que nous connaissons aujourd’hui.
Selon Özge Samanci, historienne de la gastronomie, le kebab était à l’origine de la viande d’agneau ou de mouton que des vendeurs ambulants cuisinaient dans la rue[2].
Cette viande grillée était mangée seule dans une assiette, parfois avec un peu de pain.
Il faut attendre les années 1970 pour que naisse le kebab « moderne »… en Allemagne.
Le plat traditionnel devient fast-food
Plusieurs personnes revendiquent la paternité du kebab sandwich.
Je ne vais pas entrer dans le débat. Mais ce qu’on sait, c’est qu’il a été inventé entre 1971 et 1972 dans la communauté turque en Allemagne.
Pour concurrencer le hamburger, des migrants turcs ont l’idée de servir la viande grillée dans du pain de type pitta.
Peu à peu, ils ajoutent aussi au sandwich sa fameuse sauce blanche, des oignons, différentes crudités (salade, tomate, chou…) et le servent… avec des frites.
Le vrai problème avec le kebab
La première chose à savoir, c’est que le kebab est un plat très calorique.
En 2018, l’agence chargée du contrôle sanitaire en Angleterre (LACORS) a réalisé en une enquête auprès de 500 kebabs[3]. Leurs résultats montrent qu’un kebab contiendrait entre 800 et 1 200 calories, soit près de la moitié des apports énergétiques recommandés pour une femme adulte.
Certains atteindraient même les 1 900 calories !
La viande est souvent riche en graisses saturées. Le pain, à base de farine blanche de blé, est très glucidique et son index glycémique est élevé.
C’est pour cette raison que vous avez souvent un coup de barre une heure après avoir mangé un kebab.
La viande, le pain et la sauce contiennent aussi de grandes quantités de sel (presque la totalité de vos besoins quotidiens !!).
Mais à mon avis, le vrai problème avec le kebab est ailleurs.
Méfiance sur la qualité de la viande
Quand on paye quelques euros pour un kebab, il ne faut pas s’attendre à des produits frais et de qualité.
La viande est presque toujours produite de façon industrielle. Elle est confectionnée à partir de morceaux de gras de 2e ou de 3e choix.
Ceux-ci sont hachés, mélangés à du sel, des épices et à de nombreux additifs (liants et exhausteurs de goût). La préparation est alors agglomérée en boule et enfilée sur une broche avant d’être congelée[4].
La grande majorité des kebabs contiennent des additifs à base de phosphore (phosphates), qui servent de liant au pain de viande.
Le phosphore, qui se trouve naturellement dans les produits animaliers, est essentiel au bon fonctionnement de nos cellules.
Mais en excès, les phosphates peuvent causer de nombreux problèmes de santé : déminéralisation du tissu osseux, troubles cardiaques, respiratoires et neurologiques…
En 2012, des chercheurs allemands ont montré que les additifs qui contiennent du phosphore pouvaient aussi augmenter les risques de maladies rénales et de maladies cardiovasculaires[5].
Notez que les phosphates ne sont pas seulement présents dans les kebabs, mais aussi dans de nombreux autres aliments industriels : boissons gazeuses, fromages à tartiner, jambon, plats préparés…
Du bœuf à la place de l’agneau
Autre détail intéressant au sujet du kebab : la plupart des kebabs tromperaient le consommateur sur le type de viande.
Dans une enquête menée en Suisse[6], des chercheurs ont voulu vérifier si le type de viande utilisé pour les kebabs était bien celui annoncé et… surprise !
Près de 90 % des kebabs analysés ne contenaient pas la viande qui était annoncée.
Bien souvent, la viande d’agneau serait en réalité du bœuf, du poulet et/ou de la dinde…
Pas vraiment méditerranéen…
Pour rappel, le régime méditerranéen consiste à adopter une alimentation riche en fruits et légumes, huile d’olive, noix, poissons gras…
La viande y est rare.
Et surtout, c’est une alimentation qui privilégie les produits bruts et évite les aliments ultra-transformés.
Dans le kebab, la viande est l’aliment principal, elle est transformée et contient de nombreux additifs.
Les rares végétaux, souvent insipides, ne servent qu’à apporter un peu de fraîcheur au sandwich (et donner bonne conscience au consommateur).
Vous l’aurez donc compris : le kebab est loin de respecter le « cahier des charges » du régime traditionnel méditerranéen.
Un kebab 100 % sain, ça existe ?
Je ne vous cache pas qu’il m’arrive parfois de « craquer » pour un kebab.
Et si c’est aussi votre cas, ne vous inquiétez pas.
Avec quelques précautions, il est possible de « limiter la casse »… voire de déguster un kebab pas trop mauvais pour la santé.
Voici mes conseils :
- Remplacez la viande par des falafels: de nombreux kebabs proposent les falafels pour les végétariens. Ce sont des boulettes de pois chiches, mélangées à des épices et frites dans l’huile. La friture n’est pas le mode de cuisson le plus sain, mais ce sera moins mauvais que de la viande grillée bourrée d’additifs.
- Préférez la galette (dürüm) au sandwich de pain blanc. Celles-ci sont généralement plus digestes.
- Ne prenez pas de frites. La France est l’un des seuls pays à proposer quasi systématiquement des frites avec le kebab. Mieux vaut éviter d’ajouter une telle bombe glucidique à votre kebab.
- Privilégiez les snacks artisanaux, c’est-à-dire qui produisent eux-mêmes leur viande et leurs sauces. C’est assez rare, mais ça existe (il y en a un pas loin de mon bureau qui commande sa viande chez un boucher local). La viande sera de meilleure qualité… et le goût incomparable !
- Si la propreté de l’établissement n’est pas irréprochable, fuyez ! Les normes d’hygiène ne sont pas toujours respectées et vous pourriez avoir une mauvaise surprise au moment de la digestion…
- Faites-le vous-même. Si si, c’est possible. Bien sûr, vous devrez vous passer de la broche à kebab, mais un mode de cuisson plus doux fera très bien l’affaire (sinon, remplacez la viande par des falafels maison). On trouve de nombreuses recettes sur Internet. Vous saurez ainsi vraiment ce que vous mangez.
Le kebab n’est peut-être pas un « aliment santé », mais ce n’est pas un kebab de temps en temps qui vous rendra malade.
Si vous avez envie d’en manger un, faites-le parce que ça vous fait plaisir, sans avoir mauvaise conscience.
Et savourez-le !
Amicalement,
Florent Cavaler
Le mieux est de manger français en France, non ? Où êtes-vous pour le grand remplacement un plat à la fois … l’article le laisse supposer 😉