Voici comment amener la forêt en ville et dépolluer votre environnement
Chère lectrice, cher lecteur,
J’ai le plaisir de partager avec vous un article intéressant d’Alizée Berchet, spécialiste en phytothérapie.
Dans cette lettre, Alizée fait le point sur les plantes « dépolluantes » en appartement : qu’est-ce qui est démontré scientifiquement et qu’est-ce qui relève seulement du mythe ?
Vous trouverez aussi de nombreux conseils pour vivre dans un environnement plus sain.
Belle découverte !
Amicalement,
Florent Cavaler
Voici comment amener la forêt en ville et dépolluer votre environnement
L’année dernière, la pandémie de coronavirus a été la préoccupation sanitaire principale dans de nombreux pays.
Pourtant, avec 2,5 millions de morts à son actif (en un an et demi) elle est loin derrière un autre fléau : la pollution de l’air.
Selon une étude publiée en 2020, cette dernière raccourcirait l’espérance de vie dans le monde de trois ans en moyenne et serait responsable de 8,8 millions de morts par année[1].
Des chiffres qui font froid dans le dos, d’autant plus que ce problème ne se régule pas à coups de confinements, de port de masque chirurgical ou de vaccination…
Heureusement, nous avons pu compter jusque-là sur de solides alliées pour lutter contre ce fléau : les plantes et surtout les forêts tropicales, responsables de la moitié de la séquestration du carbone au niveau planétaire[2].
Si nos meilleures alliées changeaient de camp…
Mais même les meilleurs soldats finissent par craquer lorsque la bataille devient trop dure… Il ne reste plus alors qu’à se rendre ou mourir au combat.
Et justement, les forêts tropicales amazoniennes et africaines sont en train de lancer l’alerte : elles parviennent de moins en moins à absorber les émissions humaines de C02.
Elles absorbaient environ 46 milliards de tonnes de carbone dans les années 90, soit environ 17 % de notre production. Entre 2010 et 2020, cette capacité a pratiquement diminué de moitié, puisqu’elles ont assimilé 25 milliards de tonnes de CO2, soit à peine plus de 6 % des émissions[3].
Les forêts cesseront d’absorber du carbone d’ici 2035
Et ce n’est pas près de s’arrêter, selon les chercheurs du Musée royal de l’Afrique centrale et de l’Université de Leeds. Leurs projections indiquent que la forêt tropicale africaine perdrait 14 % de ses capacités de stockage alors que la forêt amazonienne, arrivée à saturation, ne pourrait plus en absorber du tout, voire se mettrait à en dégager d’ici 2035…
Selon les auteurs, cette diminution drastique serait due à la déforestation mais aussi au changement climatique et à la modification de la composition de l’air : l’augmentation de la concentration en C02 accélère la croissance des arbres mais raccourcit leur durée de vie.
Chaque arbre absorbe donc moins de carbone au cours de sa vie et il en relâche une fois mort. D’autant plus que ce phénomène de destruction végétale est amplifié par les sécheresses et les incendies[4].
Il est donc urgent de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre au niveau planétaire et de mettre en place des solutions pour préserver les forêts.
La solution : amener la forêt en ville ?
Et puisque les grandes villes concentrent la plupart des activités humaines polluantes, pourquoi ne pas amener la forêt en ville ?
Un pari un peu fou que s’est fixé la Chine avec la construction de sa toute première « ville-forêt », située à proximité de la ville de Liuzhou (région frontalière du Vietnam).
Cette dernière devrait comporter 40 000 arbres et 1 million de plantes capables d’absorber 57 tonnes de polluants et produire près de 900 tonnes d’oxygène par année. Une vraie bouffée d’air frais pour les 30 000 habitants de la ville[5].
Mais il n’y a pas qu’en Chine qu’on cherche des solutions à la pollution urbaine : c’est aussi une problématique qui intéresse les chercheurs de la Royal Horticultural Society d’Angleterre.
Cette plante capterait 20 % de C02 supplémentaire…
Leur étude vient d’être publiée dans le journal Environments et compare les capacités d’absorption de sept plantes différentes disposées en haies au bord d’une route très fréquentée, d’une route moins exposée à la circulation et d’un jardin public (sans trafic).
Le grand gagnant de cette enquête est le cotonéastre de Franchet, un arbuste à feuillage velu qui a la capacité d’absorber 20 % de particules polluantes supplémentaires en comparaison avec les autres espèces[6].
Selon les auteurs, son efficacité provient de la densité de son feuillage, de sa rugosité et de son aspect velu. Ainsi, les autres espèces possédant des propriétés similaires seraient tout aussi efficaces.
Les espèces moins performantes comme le thuya ou l’aubépine devraient atteindre 2 m de largeur au minimum pour parvenir à une efficacité comparable, à proximité des routes très fréquentées.
Dans les endroits moins pollués, le choix de l’espèce n’était pas significatif.
Vous savez désormais quelle espèce choisir si vous désirez planter une haie dans votre jardin et que vous vivez à proximité d’une grande route…
Que penser des plantes « dépolluantes » pour l’atmosphère intérieure ?
Malheureusement, il n’y a pas que l’air extérieur qui est pollué mais aussi celui à l’intérieur de nos habitations. Il contiendrait même jusque 7 à 10 fois plus de polluants que l’air extérieur[7].
Des particules nocives comme le benzène, le xylène, le toluène, le formaldéhyde ou le trichléoroétylène sont libérées par les tapisseries, les moquettes, les rideaux, les peintures ou panneaux de bois contreplaqués.
De nombreux vendeurs ayant flairé la bonne affaire n’hésitent donc pas à vendre des « plantes dépolluantes » pour assainir l’air intérieur et lutter contre les problèmes de santé constatés : asthme, vertiges, fatigue, irritation des yeux, du nez ou de la gorge.
Une allégation tirée par les cheveux, selon la science
L’idée que les plantes vertes peuvent dépolluer efficacement l’atmosphère intérieure vient d’une étude menée par le Pr Bill Wolverton de la NASA, « The Clean Air Study », publiée en 1989[8].
Le but de la recherche était de découvrir des moyens efficaces de purifier l’air dans les stations spatiales. Les conditions de test étaient donc très particulières (pièce hermétique, filtre de charbon actif ajouté, air pollué soufflé dans les racines, etc.) et assez éloignées de la réalité d’un appartement ou d’un bureau.
On ne peut donc pas s’appuyer sur les résultats de cette étude pour affirmer l’efficacité dépolluante des plantes vertes.
Des études récentes aux résultats mitigés…
De 2009 à 2012, l’étude PHYTAIR, conduite par des chercheurs français, a tenté de reproduire ces résultats en conditions réelles. Voici leurs conclusions :
« Dans les bâtiments, en conditions réelles d’exposition, l’efficacité d’épuration de l’air par les plantes seules est inférieure à l’effet du taux de renouvellement de l’air sur les concentrations de polluants. Autrement dit, l’aération et la ventilation restent bien plus efficaces que l’épuration par les plantes[9]. »
Une autre étude, encore plus récente et conduite également dans des conditions d’exposition réelles rapporte des résultats plus modérés.
Les plantes ont eu un effet positif sur la diminution de trois polluants : le benzène, l’etylbenzène et le xylène mais aucun sur le formaldéhyde et peu d’effets sur le toluène[10].
Les chercheurs ont également reconnu la ventilation et la température à l’intérieur de la pièce comme étant des éléments significatifs concernant la pollution intérieure.
Une bonne raison de mettre des plantes chez vous
D’un point de vue scientifique, on peut donc conclure que les plantes sont moins efficaces que l’aération pour purifier l’air de nos maisons, mais certaines d’entre elles semblent tout de même avoir un effet positif.
De plus, il existe une autre très bonne raison de mettre des plantes à l’intérieur : la santé mentale.
Une étude menée à l’hôpital a démontré que les patients qui avaient des plantes dans leur chambre avaient une meilleure tension artérielle et rapportaient moins de douleurs, d’anxiété et de fatigue que ceux qui n’en avaient pas[11].
Quelle plante mettre dans quelle pièce ?
Voici comment l’étude citée ci-dessus, qui démontrait le pouvoir purificateur des plantes, les a arrangées dans les différentes pièces :
Dans le salon : 2 asplénies nid d’oiseau (15 l), 2 mandariniers satsuma (15 l) et 2 Gardernia (15 l)
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Ou alors : 2 palmiers nains (15 l), 2 plantes ZZ (15 l) et 2 plantes Spathiphyllum (15 l)
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Dans la cuisine : 2 lierres du diable (7l)
Dans la chambre : 2 romarins (7 l) et 2 Gardenia (7 l)
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Ou alors 2Â diffenbachia (7Â l) et 2Â palmiers bambou (7l)
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Une astuce pour ceux qui sont Ă la campagne
Si vous habitez à la campagne, que vous avez la chance d’avoir un jardin et que vous n’êtes pas raccordé à un réseau d’assainissement collectif, vous pouvez même penser à dépolluer vos eaux usées avec les plantes.
On appelle ce dispositif la phyto-épuration, une solution écologique, esthétique et efficace pour traiter les eaux usées.
Il s’agit de créer dans son jardin un écosystème épuratoire capable de nettoyer l’eau grâce à l’action combinée des bactéries, des graviers et de certaines plantes comme les macettes, les salicaires, les scirpes, les iris ou les rubaniers.
La filtration se fait en trois Ă©tapes[12]Â :
- Le pré-traitement : c’est l’action combinée des graviers et des plantes qui bloquent la matière solide à la surface.
- Le traitement chimique naturel : plusieurs bassins ont pour but d’absorber le nitrate et le phosphate de nos excréments, ainsi que les résidus chimiques des produits ménagers.
- Le traitement biologique : les bactéries se nourrissent de matière organique et la transforment en minéraux assimilables par les plantes. En échange, les plantes aquatiques leur fournissent de l’oxygène.
Le petit paradis de Yannaëlle et Joseph
Yannaëlle et son mari Joseph ont opté pour ce système d’épuration des eaux usées et voici leur joyeuse expérience :
L’installation de la phyto-épuration a été pour nous l’occasion de réaliser l’un des aspects de notre vision de l’écologie : transformer, à notre niveau, nos « eaux usées » en une eau purifiée. À chaque saison, nous avons en plus la possibilité d’observer de manière subtile la beauté de la nature. Nous avons cette chance inouïe de vivre au rythme des saisons et du vivant grâce à cette installation :
- Au printemps, les roseaux poussent à vue d’œil, les iris fleurissent et nous éblouissent par leur jaune éclatant.
- L’été, les salicaires de couleur violine accueillent toute une colonie d’abeilles… lorsqu’on passe à proximité, on entend un bourdonnement incessant et vivifiant.
- L’automne, les massettes prennent leur forme duveteuse et leur couleur marron foncé.
- L’hiver, toutes les plantes se recroquevillent mais les racines restent actives.
Voici à quoi ressemble leur petit paradis en plein été :
Bien sûr, on ne peut pas faire n’importe quoi lorsqu’il s’agit de traiter et relâcher des eaux usées dans la nature. En France, le service public d’assainissement non collectif (SPANC) est en charge du contrôle des systèmes d’épuration particuliers. Pour débuter une telle installation, il faut vous adresser à votre commune, puis confier la réalisation du projet à une entreprise agréée[13].
Quant au prix, il faut compter environ 10 000 euros pour une maison de cinq pièces principales, un certain investissement mais qui ne demande pas d’énergie, pas de vidange et pas d’entretien spécialisé…
Alizée Berchet
J’apprĂ©cie grandement que vous ayez pris en main ce sujet si fondamental et de façon aussi approfondie.
Un très chaleureux merci!