Diabète : le pancréas aurait une « petite amie » secrète…

Chère lectrice, cher lecteur,

Scoop : le pancréas aurait une liaison secrète avec un autre organe.

Les scientifiques sont sur le coup ! Ils auraient mis la main sur des « échanges SMS » sans équivoque entre les deux organes.

Leur relation intime ne sera peut-être pas déballée en une de Paris Match…

En revanche, dans le milieu scientifique, cette découverte a fait l’effet d’une bombe.

Parue dans l’une des plus prestigieuses revues en libre accès, Scientific Reports, elle bouleverse notre regard sur la maladie et offre de nouvelles perspectives de soin[1].

Le prestigieux Prix Galien, qui récompense des innovations thérapeutiques et des travaux de recherche prometteurs, l’a d’ailleurs nominée dans sa sélection officielle 2022[2].

Insuline et pancréas : une vision beaucoup trop simpliste

Avant de vous parler plus en détail de ces travaux novateurs, je reviens un instant sur la vision « classique » du diabète de type 2.

Le diabète de type 2 est une maladie caractérisée par un taux trop élevé de glucose dans le sang (hyperglycémie chronique).

Pour gérer notre glycémie, notre pancréas sécrète de l’insuline, une hormone qui permet au sucre d’entrer dans nos cellules pour être stocké ou utilisé comme carburant.

En cas de diabète, ce processus ne fonctionne plus correctement :

  • Soit le pancrĂ©as ne parvient pas Ă  fabriquer suffisamment d’insuline (insulinopĂ©nie)
  • Soit les cellules ne rĂ©agissent plus Ă  l’insuline (insulinorĂ©sistance)[3].

Voilà !

C’est à peu près tout ce qu’on lit sur le diabète dans les articles pour le grand public…

Ces explications donnent une idée générale du fonctionnement de la maladie… mais elles oublient un élément-clé dans l’équation.

Cet organe-clé
dont personne ne parle

Le muscle squelettique regroupe l’ensemble des muscles que nous pouvons solliciter volontairement…

Par exemple pour marcher, soulever un objet, s’accroupir, sauter, etc.

Mais ces muscles ont une autre fonction essentielle, liée à notre métabolisme.

Pour réduire la glycémie, l’insuline agit sur les cellules de différents organes : nos tissus adipeux, notre foie et surtout… notre muscle squelettique, qui est la cible majoritaire de l’insuline[4].

Il est d’ailleurs considéré par les spécialistes comme notre plus grand organe métabolique[5] : c’est lui qui va « manger » la majorité du glucose présent dans notre sang après un repas.

En cas de diabète de type 2, ce sont donc aussi les cellules de ce muscle qui peuvent devenir résistantes à l’insuline.

Ainsi, le diabète n’est pas seulement une maladie du pancréas. C’est une pathologie complexe qui implique plusieurs organes, et en particulier le muscle squelettique.

Il est donc primordial de considérer ces interrelations pour bien comprendre la maladie et proposer des pistes de traitements efficaces.

Et c’est justement l’enjeu des travaux du Dr Karim Bouzakri.

Ce chercheur a découvert une nouvelle piste prometteuse face au diabète

Le Dr Karim Bouzakri est directeur de recherche au Centre européen d’étude du diabète (CEED), à Strasbourg.

Le CEED, reconnu d’utilité publique, est aujourd’hui le centre de référence et d’innovation pour le diabète. Il regroupe des médecins, chercheurs, ingénieurs, techniciens, éducateurs, psychologues, diététiciens, infirmiers…

Karim Bouzrakri est précurseur dans l’étude de la communication croisée entre les muscles et le pancréas. Il est le premier à avoir découvert le rôle primordial du muscle squelettique dans le fonctionnement de notre métabolisme.

En 2018, avec le Pr Michel Pinget, fondateur du CEED, il fait une nouvelle découverte majeure sur la relation entre le pancréas et le muscle squelettique.

Jusqu’à ce jour, on pensait que tous les muscles de notre corps sécrétaient les mêmes molécules…

Mais la réalité est plus complexe.

Quand le pancréas « parle »… le muscle lui répond !

En collaboration avec le Center of Inflammation and Metabolism du Danemark et le Centre Médical Universitaire de Genève, l’équipe du CEED découvre que chaque muscle possède non seulement des caractéristiques bien distinctes, mais aussi qu’ils sécrètent des molécules spécifiques[6].

Ainsi, le Dr Bouzakri et son équipe ont trouvé que le muscle squelettique sécrétait des molécules spéciales, des myokines, qui lui permettaient d’échanger directement avec le pancréas.

On savait déjà que le pancréas communiquait avec les muscles grâce à l’insuline (pour que celui-ci stocke le sucre)…

Désormais, on sait que cette communication n’est pas à sens unique. Il s’agit d’un dialogue, via le sang, un peu comme si les deux organes échangeaient des SMS entre eux.

Or quand le muscle s’adresse au pancréas, il ne se contente pas de parler de la pluie et du beau temps.

Les travaux ont montré que les messages qu’il envoie avaient une importance cruciale pour le bon fonctionnement de notre corps. Ils joueraient même un rôle protecteur face à certaines maladies comme le cancer du sein, la dépression, les maladies cardiaques… ou encore le diabète[7].

Nouvel espoir pour les diabétiques

Ces dernières années, de nouvelles recherches ont confirmé ces premiers résultats et aidé à mieux comprendre cette relation intime entre pancréas et muscle :

  • Une Ă©quipe de McMaster et de York (Canada) a trouvé un lien entre le diabète de type 1 et une mauvaise santĂ© musculaire[8]. Parue dans la revue Diabetologia, l’étude montre que les diabĂ©tiques de type 1 auraient des mitochondries dysfonctionnelles dans leurs muscles qui produisent moins d’énergie, libèrent des toxines et semblent rĂ©duire la capacitĂ© des cellules Ă  contrĂ´ler la glycĂ©mie.
  • Plusieurs travaux Ă©pistĂ©mologiques ont montrĂ© que le diabète de type 2 accĂ©lĂ©rait l’apparition de la sarcopĂ©nie, qui se caractĂ©rise par une diminution de la masse musculaire et des performances physiques qui apparaissent naturellement avec l’âge. Les mĂ©canismes ne sont pas encore Ă©lucidĂ©s[9].

Ces découvertes ouvrent la porte à de nouveaux traitements contre le diabète, notamment en isolant les molécules sécrétées par les muscles et en sélectionnant celles qui sont le plus actives sur le pancréas.

Mais elles donnent aussi des indications précises pour les personnes diabétiques qui veulent agir sur leur maladie grâce à l’activité physique.

Face au diabète, toutes les activités physiques ne se valent pas

On a l’habitude de classer les 600 muscles du corps humain en deux grandes catégories : les muscles de type 1 (muscles d’endurance) et les muscles de type 2 (muscles de résistance).

Grâce aux travaux du Dr Bouzakri, on sait désormais que chacun de ces muscles produit des molécules différentes.

Or il s’avère que ce sont dans les muscles de type II que les myokines sont le plus sécrétées et ont « un effet direct et bénéfique sur le pancréas et son fonctionnement[10] ».

En comparant les muscles du mollet, des cuisses et des bras, les chercheurs ont aussi trouvé que c’était la musculation des triceps qui était la plus efficace.

Les personnes diabétiques ont donc intérêt à privilégier les sports de résistance plutôt que les sports d’endurance, et plus particulièrement ceux qui stimulent les triceps.

En cas de diabète, il serait donc préférable d’opter pour une activité qui sollicite les muscles du haut du corps (porter des haltères, faire des pompes…) que des activités d’endurance comme le vélo ou la course.

Et si vous n’êtes pas très sportif, vous pouvez aussi profiter de vos activités du quotidien (aspirateur, jardinage, etc.) pour solliciter les muscles de vos bras.

Amicalement,

Florent Cavaler





[1] Sabine Rutti, Rodolphe Dusaulcy, Jakob S. Hansen, CĂ©dric Howald, EmmanouilT. Dermitzakis, Bente K. Pedersen, Michel Pinget, Peter Plomgaard & Karim Bouzakri, Angiogenin and Osteoprotegerin are type II muscle specifc myokines protecting pancreatic beta-cells against proinfammatory cytokines, Scientific Reports, 3 july 2018.
[2] https://www.prixgalien.fr/candidats/
[3] Qu’est-ce que le diabète ?, FĂ©dĂ©ration Française des DiabĂ©tique.
[4] Interaction entre le muscle et le pancrĂ©as au cours du dĂ©veloppement du diabète, Centre EuropĂ©en d’Ă©tude du diabète, hiver 2016.
[5] Diabète de type 1 : Les troubles musculaires, une complication fréquente encore méconnue, Santé Log, 2018.
[6] Sabine Rutti, Rodolphe Dusaulcy, Jakob S. Hansen, CĂ©dric Howald, EmmanouilT. Dermitzakis, Bente K. Pedersen, Michel Pinget, Peter Plomgaard & Karim Bouzakri, Angiogenin and Osteoprotegerin are type II muscle specifc myokines protecting pancreatic beta-cells against proinfammatory cytokines, Scientific Reports, 3 july 2018.
[7] Le muscle, un organe plein de promesses face au diabète, Centre europĂ©en d’Ă©tude du diabète, automne 2018.
[8] Monaco CMF, Hughes MC, Ramos SV, Varah NE, Lamberz C, Rahman FA, McGlory C, Tarnopolsky MA, Krause MP, Laham R, Hawke TJ, Perry CGR. Altered mitochondrial bioenergetics and ultrastructure in the skeletal muscle of young adults with type 1 diabetes. Diabetologia. 2018 Jun;61(6):1411-1423.
[9] Docteur Karim Bouzakri,, SarcopĂ©nie : Des avancĂ©es dans la comprĂ©hension de la relation entre le diabète de type 2 et le muscle, Centre europĂ©en d’Ă©tude du diabète, Ă©tĂ© 2019.
[10] Le muscle, un organe plein de promesses face au diabète, Centre europĂ©en d’Ă©tude du diabète, automne 2018.

5 rĂ©ponses Ă  “Diabète : le pancrĂ©as aurait une « petite amie » secrète…”

  1. Valérie dit :

    merci pour ces informations très interessantes.. je n’avais jamais entendu ces informations.

  2. Blanc dit :

    Mon fils 45,ans plutôt corpulent, moyennement actif, gourmand, souffre de diabète de type 2..
    Il consomme cependant du Wakame,
    En sport quels muscles doit il privilegier ? Quel regime alimentaire, lui gourmand !?
    Peut il se débarrasser de cet ennemi en embuscade ?
    Merci.

  3. GUY Pierrette dit :

    J apprĂ©ciĂ© votre article. Je suis diabĂ©tique type 2 depuis l âge de 20 ans. J’ ai 63 ans cet annĂ©e. Pau une alimentation surveillĂ©e j’ avais stabilisĂ© mon diabète. En parallèle ma musculation a fondue. Je souffre atrocement a chaque mouvement. Je suis sous metformine depuis janvier 2021.
    Depuis janvier j’ ai pris 5 kg en graisse abdominale et viscĂ©rale. Je mange très peu. Mon problème majeur est devenu ma fonte musculaire, plus de force. Votre article me console un peu. Merci pour vos recherches

  4. Zamour Brigitte dit :

    Je suis diabétiques du type 2
    Pour le moment je voudrais commander le NUTRILIM 24 à raison 1 boîte.
    Mon hémoglobine glyquée est à 6,2 %
    Je prend chaque soir 1 comprimé de
    Météorite depuis 2017
    J ai le glaucome
    Que me conseiller vous?
    A bientĂ´t

  5. Martine Heimroth-Buccino dit :

    Bonjour
    Je serai très intĂ©ressĂ©e par des informations concernant le diabète de type 1 , dont est atteinte ma petite fille depuis l’âge de 8mois 1/2 .
    Merci beaucoup !
    Martine Heimroth-Buccino

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