Des chercheurs dĂ©couvrent le secret de la « beautĂ© intĂ©rieure »  cachĂ© dans votre intestin

ChĂšre lectrice, cher lecteur,

« Aucune grĂące extĂ©rieure n’est complĂšte si la beautĂ© intĂ©rieure ne la vivifie. »

Victor Hugo ne croyait pas si bien dire


Des scientifiques viennent de confirmer les propos du poÚte, au propre comme au figuré.

En fĂ©vrier 2022, une publication de la Royal Society, l’équivalent de l’AcadĂ©mie des sciences au Royaume-Uni, a dĂ©montrĂ© pour la premiĂšre fois qu’il existait un lien entre votre apparence physique et la santĂ© de vos organes.

Pour ce faire, ils ont recrutĂ© 159 étudiants de l’UniversitĂ© chrĂ©tienne du Texas, ĂągĂ©s de 17 Ă  30 ans.

Ces volontaires devaient remplir des questionnaires sur leur style de vie et leurs données démographiques et donner leur sang pour des analyses.

Puis les chercheurs ont demandĂ© Ă  492 autres jeunes d’évaluer l’attirance et l’état de santĂ© de ces personnes Ă  partir de leurs photos, distribuĂ©es alĂ©atoirement.

Les résultats sont surprenants.

Ils rĂ©vĂšlent un lien entre l’apparence physique, l’immunitĂ© et le microbiote des participants.

Ainsi, les personnes jugées les plus attirantes avaient des taux plus élevés de phagocytose de la bactérie E. coli.

La phagocytose est le processus de destruction des microbes par certains globules blancs. Plus ce taux est élevé et moins la personne risque de développer une infection.

De plus, les femmes ont trouvé plus séduisants les hommes qui avaient des lymphocytes T plus fonctionnels. De leur cÎté, les hommes ont trouvé plus belles les femmes qui avaient un taux de reproductivité de la bactérie S. aureus plus lent.

Le secret de la vraie “beautĂ© intĂ©rieure” dĂ©pendrait-il de la qualitĂ© de vos globules blancs et de votre microbiote intestinal ?

Et ce n’est pas tout.

Quand un parasite vous rend plus sexy


Toxoplasma gondii, le parasite responsable de la toxoplasmose, est surtout connu des femmes enceintes.

C’est Ă  cause de lui qu’on dĂ©conseille aux femmes de manger de la viande crue pendant leur grossesse


Mais une Ă©quipe internationale a dĂ©couvert un autre fait Ă©tonnant sur ce parasite : il pourrait vous rendre
 plus attirant.

Les chercheurs ont compilĂ© une vingtaine de photos du visage des participants Ă  l’étude, soit 35 infectĂ©s par le parasite et 178 non infectĂ©s. Leur potentiel de sĂ©duction, ainsi que leur Ă©tat de santĂ© subjectif devaient ĂȘtre estimĂ©s par un groupe indĂ©pendant de 205 Ă©valuateurs (59 hommes et 146 femmes).

Les hommes et les femmes infectĂ©s Ă©taient perçus comme plus attirants et semblaient en meilleure santĂ© que ceux qui n’étaient pas contaminĂ©s par Toxoplasma gondii.

Les scientifiques ont notamment constatĂ© une asymĂ©trie faciale moins importante, mais aussi un indice de masse corporel plus faible chez les femmes infectĂ©es ainsi qu’un nombre de partenaires sexuels plus Ă©levĂ© que chez les femmes non infectĂ©es.

Selon les chercheurs, ces rĂ©sultats suggĂšrent que certains parasites sexuellement transmissibles, dont fait partie le toxoplasme, « peuvent produire des changements dans l’apparence et dans le comportement de l’hĂŽte humain, soit en tant que consĂ©quence de l’infection, soit Ă  la suite de la manipulation du parasite pour augmenter ses chances de se propager Ă  de nouveaux hĂŽtes ».

Sommes-nous contrÎlés par nos microbes ?

Il y aurait environ 38’000 milliards de bactĂ©ries dans notre corps. C’est plus que les quelques 30’000 cellules humaines.

Nous serions donc davantage bactĂ©riens qu’humains.

Sans compter les virus, les parasites, etc.

On ne les trouve pas seulement dans notre intestin, mais aussi dans la bouche et le nez, sur la peau, dans les poumons ou encore au niveau des organes sexuels.

Et leur fonction exacte est encore mal connue aujourd’hui.

Mais ce qu’on sait, c’est que ces microbes interviennent dans pratiquement tous les mĂ©canismes de notre santĂ© (immunitaire, digestif, cognitif, hormonal, Ă©motionnel
) :

  • En 2018, l’Association Alzheimer avait prĂ©sentĂ© quatre Ă©tudes qui suggĂ©raient un lien entre la maladie d’Alzheimer et certaines bactĂ©ries intestinales. En modifiant le microbiote de souris grĂące Ă  la transplantation fĂ©cale, une Ă©quipe de l’Oregon Health & Science University, s’est aperçue que le comportement et les capacitĂ©s cognitives des souris receveuses Ă©taient modifiĂ©s
 ce qui pourrait avoir un impact direct sur la maladie d’Alzheimer.
  • Des chercheurs de l’universitĂ© Emory l’ont prouvĂ© en Ă©changeant simplement la flore intestinale de souris obĂšses avec celle de souris saines. Les souris obĂšses colonisĂ©es par la flore bactĂ©rienne de souris saines avaient alors 42 % de graisse en moins que leurs congĂ©nĂšres, alors qu’elles mangeaient davantage qu’elles.
  • Des travaux publiĂ©s dans le prestigieux journal Science ont dĂ©couvert que certaines bactĂ©ries pourraient jouer un rĂŽle protecteur durant la radiothĂ©rapie : des souris exposĂ©es Ă  des doses de radiation potentiellement mortelles Ă©taient protĂ©gĂ©es par les lachnospiracĂ©es et les entĂ©rocoques, qui attĂ©nuaient l’exposition aux radiations et ses effets sur la santĂ©.
  • Plusieurs travaux ont Ă©galement montrĂ© les liens entre microbiote et maladies « psy » comme la dĂ©pression, la schizophrĂ©nie ou les troubles bipolaires. La sĂ©rotonine, l’hormone du bonheur, est d’ailleurs produite Ă  plus de 90 % par nos bactĂ©ries intestinales.
  • En 2014, des chercheurs amĂ©ricains ont Ă©galement dĂ©couvert que les probiotiques pourraient agir sur la dĂ©pression et l’anxiĂ©tĂ©. Dans le journal Scientific reports, une Ă©quipe a aussi dĂ©montrĂ© que la prise de prĂ©biotiques pourrait avoir un effet positif sur l’anxiĂ©tĂ©.
  • En 2021, la revue Frontiers in Psychiatry a dĂ©montrĂ© que les personnes qui ressentent peu la solitude et ont un plus haut niveau de compassion disposent d’une plus grande diversitĂ© de leur microbiote.
  • Cancer : des recherches menĂ©es par des scientifiques de l’UniversitĂ© de Nottingham, de Ningbo et de l’UniversitĂ© agricole du Shanxi (Chine), ont dĂ©couvert que le toxoplasme (encore lui) pourrait s’attaquer aux tumeurs « froides », autrement dit celles issues d’une mutation gĂ©nĂ©tique (cancer hĂ©rĂ©ditaire), qui sont moins sensibles Ă  l’immunothĂ©rapie.

La liste est impressionnante, et il y a encore tant de choses à découvrir sur ce monde microscopique.

C’est Ă  se demander si certains microbes ne seraient pas capables d’agir directement sur notre comportement, notre caractĂšre et nos prises de dĂ©cision.

Comment la douve du foie prend le contrĂŽle du cerveau des fourmis

L’exemple le plus connu d’un parasite qui prend les commandes d’un animal est celui de la douve du foie.

Ce parasite au parcours de vie incroyable, commence sa vie dans le foie du mouton. Il est relarguĂ© sous forme d’Ɠuf dans les excrĂ©ments de l’animal, avant d’ĂȘtre avalĂ© par un escargot.

C’est dans le mucus du systĂšme respiratoire de l’escargot que l’Ɠuf Ă©clot. La douve se retrouve alors, sous forme de larve, Ă©jectĂ©e avec le mucus de l’escargot, avant d’ĂȘtre mangĂ©e par une fourmi, attirĂ©e par le mucus.

La larve poursuit sa croissance Ă  l’intĂ©rieur de la fourmi et prend le contrĂŽle de son cerveau. Elle oblige ainsi la fourmi Ă  grimper sur un brin d’herbe et Ă  y rester accrochĂ©e jusqu’à se faire avaler par un mouton et terminer son cycle de vie.

On le voit avec l’histoire de la douve du foie, certains parasites sont bien capables d’influencer les choix et les actions des animaux.

De la mĂȘme maniĂšre, il est possible que le toxoplasme influe sur notre apparence pour amĂ©liorer ses chances de propagation.

Ou encore, certaines bactéries friandes de sucre, comme candida albicans, pourraient nous pousser à manger davantage de sucre.

Une collaboration plutît qu’une manipulation

PlutĂŽt que de voir une forme de manipulation des bactĂ©ries, je prĂ©fĂšre y voir une collaboration qui, lorsqu’elle est saine, est « gagnant-gagnant ».

On l’a vu, une bonne relation avec nos microbes est primordiale pour rester en bonne santĂ©, et le moindre dĂ©sĂ©quilibre peut ĂȘtre cause de maladie.

Mais l’inverse est aussi vrai.

Notre microbiote dĂ©pend aussi de nous et de nos choix. Il est extrĂȘmement sensible Ă  notre mode de vie.

Par exemple, certains additifs alimentaires largement utilisés, comme le carboxyméthylcellulose ou gomme de cellulose (E466) pourraient avoir un impact catastrophique sur notre microbiote intestinal.

Le Dr Benoit Chassaing, directeur de recherche Ă  l’INSERM, et son Ă©quipe ont dĂ©couvert que le microbiote des participants supplĂ©mentĂ© Ă  la gomme de cellulose s’appauvrissait et certaines espĂšces disparaissaient mĂȘme, contrairement au groupe sans additif. De plus, leurs Ă©chantillons de matiĂšres fĂ©cales ont rĂ©vĂ©lĂ© une diminution sĂ©vĂšre des substances bĂ©nĂ©fiques produites par les bactĂ©ries intestinales.

Le choix du régime alimentaire influe également sur la diversité de vos bactéries.

Des chercheurs ont constatĂ© notamment que le rĂ©gime cĂ©togĂšne modifiait profondĂ©ment la proportion de 19 types de bactĂ©ries intestinales diffĂ©rentes, dont les bifidobactĂ©ries, probiotiques qui luttent contre l’inflammation et protĂšgent la barriĂšre intestinale, qui diminuait radicalement.

Les recherches sur le microbiote montrent donc, une fois de plus, que l’ĂȘtre humain n’est pas un individu isolĂ©. Il est en interaction avec des milliards d’autres ĂȘtres vivants et ne se construit que dans son rapport aux autres.

Amicalement,

Florent Cavaler





[1] Mengelkoch Summer, Gassen Jeff, et al. 2022. More than just a pretty face ? The relationship between immune function and perceived facial attractiveness. Proc. R. Soc. B. 289 : 20212476.
[2] Borråz-León, Rantala, Krams, Cerda-Molina, Contreras-Garduño, « Are Toxoplasma-infected subjects more attractive, symmetrical, or healthier than non-infected ones ? Evidence from subjective and objective measurements », Peer J, 2022 march
[3] Nathalie Mayer, Combien y a-t-il de cellules dans le corps humain ?, Futura Santé, 3 septembre 2017.
[4] Advances Along the Gut-Liver-Brain Axis in Alzheimer’s Disease: Why Diet May Be So Impactful, AAIC Alzheimer Association, 24 juin 2018.
[5] P Kundu & al., Fecal Implants From AppNL–G–F and AppNL–G–F/E4 Donor Mice Sufficient to Induce Behavioral Phenotypes in Germ-Free Mice, Front. Behav. Neurosci., 08 February 2022.
[2] Borody, T.J., et al., Bowel-flora alteration: a potential cure for inflammatory bowel disease and irritable bowel syndrome? Med J Aust, 1989. 150(10): p. 604.
[6] Vijay-Kumar M, Aitken JD, Carvalho FA, et al. Metabolic syndrome and altered gut microbiota in mice lacking Toll-like receptor 5. Science 2010;328:228-31.
[7] Hao Guo et al, Multi-omics analyses of radiation survivors identify radioprotective microbes and metabolites, Science (2020).
[8] Eva M Selhub1, Alan C Logan2 and Alison C Bested. Fermented foods, microbiota, and mental health: ancient practice meets nutritional psychiatry. Journal of Physiological Anthropology 2014, 33:2. doi:10.1186/1880-6805-33-2
[9] Johnstone, N., Milesi, C., Burn, O. et al. Anxiolytic effects of a galacto-oligosaccharides prebiotic in healthy females (18–25 years) with corresponding changes in gut bacterial composition. Sci Rep 11, 8302 (2021).
[10] Tanya T. Nguyen et al. Association of loneliness and wisdom with gut microbial diversity and composition: an exploratory study. Frontier of psychiatry, 25 mars 2021.
[11] Yu-Chao Zhu et al, « Synergy between Toxoplasma gondii type I ΔGRA17 immunotherapy and PD-L1 checkpoint inhibition triggers the regression of targeted and distal tumors », Journal for ImmunoTherapy of Cancer, 2021
[12] Dr Anne-Marie Paverani, Les troubles digestifs : candidose digestive et addiction au sucre, 1 septembre 2019.
[13] Benoit Chassaing et al. Randomized controlled-feeding study of dietary emulsifier carboxymethylcellulose reveals detrimental impacts on the gut microbiota and metabolome. Gastroenterology, 2021.
[14] Qi An Yang, Margaret Alexander, Peter J. Thurnbaugh et alii. Ketogenic Diets Alter the Gut Microbiome Resulting in Decreased Intestinal Th17 Cells. Cell, vol 181, n°6, p.1263-1275. Juin 2020.

7 rĂ©ponses Ă  “Des chercheurs dĂ©couvrent le secret de la « beautĂ© intĂ©rieure »  cachĂ© dans votre intestin”

  1. VOGT dit :

    Vous prĂȘchez un convaincu depuis longue date. J’Ă©carte le plus souvent les vaccinations pour partager une foule de renseignements sur la bactĂ©rie, le virus et autre microbe qui veut bien investir mon corps. Avec la BorrĂ©liose je suis servi, car j’ai Ă©tĂ© infectĂ© sur un chantier « pourri » il y a une dizaine d’annĂ©es. Depuis j’Ă©carte une foule d’aliments de mon bol alimentaire quand j’en ressens les divers mauvais retours de bĂąton.
    Bien cordialement.
    Willy

  2. Compaoré hyppo dit :

    je suis vraiment Ă©merveillĂ© en lisant votre article sur l’action ou influence du monde microbien sur l’Ă©tat physique extĂ©rieure de notre corps votre organisme en gĂ©nĂ©ral. LE CÔLON EST UN GRAND RÉSERVOIR DE MICRO-ORGANISMES ET LE COLON SECRÈTE LA SÉROTONINE L’HORMONE DU BONHEUR .C’EST BIEN ÉDIFIANT DE SAVOIR LES ACTIONS PRÉCISES DU MONDE MICROBIEN SUR NOTRE ÉTAT DE SANTÉ….je vous encourage beaucoup sur cette publication qui n’est que le dĂ©but .

  3. flo akuwa dit :

    trĂšs enrichissant. merci

  4. Kanjo dit :

    « Le rĂ©gime cĂ©togĂšne modifiait profondĂ©ment la proportion de 19 types de bactĂ©ries intestinales diffĂ©rentes, dont les bifidobactĂ©ries, probiotiques qui luttent contre l’inflammation et protĂšgent la barriĂšre intestinale, qui diminuait radicalement »
    qu’est-ce qui diminue ? l’inflammation ou la barriĂšre intestinale ?

  5. raphael lutumba dit :

    Informations enrichissantes et
    trĂšs importantes.

  6. Darouche charifou dit :

    Donc les antibiotiques Ă  large spectre sont paradoxalement nocifs ?

  7. Hervé Peignier dit :

    A quand des études du microbiote pour les personnes touchées par la SLA en France ?

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