Un monde virtuel ?
Chère lectrice, cher lecteur,
La médecine a-t-elle perdu pied avec la réalité ?
C’est la question que je me suis posée en découvrant la dernière étude de l’Université de l’Ohio, parue dans la revue Plos One[1].
Une équipe de scientifiques a voulu tester l’impact de la réalité virtuelle sur le stress.
Pour cela, ils ont recruté 102 médecins qui travaillent en première ligne dans des unités covid aux États-Unis.
Avec un casque de rĂ©alitĂ© virtuelle, ces volontaires devaient regarder une vidĂ©o Ă 360 degrĂ©s de trois minutes qui projetait des images d’une « rĂ©serve naturelle luxuriante et verdoyante ».
Chants d’oiseaux, arbres verdoyants, bruissement de la rivière, rayons du soleil traversant les feuillages…
Tout Ă©tait fait pour donner l’illusion qu’ils se trouvaient en pleine nature. Les participants pouvaient tourner la tĂŞte et voir l’espace comme s’ils s’y trouvaient rĂ©ellement.
Les chercheurs ont découvert que 3 minutes dans cette « pseudo-forêt » simulée par un ordinateur permettait de réduire le stress de 40% chez les soignants surmenés.
Pour les auteurs de l’étude, la réalité virtuelle était une « voie prometteuse et bon marché » pour aider le personnel soignant épuisé par deux ans de crise sanitaire.
Et la vraie nature dans tout ça ?
Ce qui me choque dans cette étude, c’est qu’il n’est pas du tout question de vraie nature.
C’est comme si un monde de synthèse pouvait totalement remplacer la réalité. Les chercheurs parlent d’une technique bon marché… mais qu’y a-t-il de meilleur marché qu’une balade en forêt ?
Et avec un casque virtuel sur les yeux, on se prive de tout ce qui fait le charme et l’intérêt d’une promenade dans la nature :
- L’air pur de la nature : 90% de la population mondiale vivrait dans des zones qui dĂ©passent les seuils de sĂ©curitĂ© dĂ©finis par l’OMS[2]. Des chercheurs en santĂ© environnementale de Harvard ont estimĂ© que 4 millions de personnes mouraient chaque annĂ©e Ă cause de la pollution de l’air, soit un dĂ©cès sur cinq[3] ! Or une Ă©tude a montrĂ© que la vĂ©gĂ©tation Ă©tait plus efficace que n’importe quelle technologie pour purifier l’air[4]. Respirer l’air frais de la nature agirait non seulement sur la santĂ© de vos poumons, mais et aussi sur vos niveaux de stress et d’anxiĂ©tĂ©.[5]
- Les huiles essentielles que dégagent les arbres autour de nous, si bénéfiques pour la santé : il existe des centaines de publications sur les bienfaits des huiles essentielles, mais ce n’est pas nécessaire d’utiliser des flacons pour en bénéficier. Une simple balade en forêt permet déjà de profiter des odeurs que dégagent les arbres autour de vous. Des travaux ont d’ailleurs montré que ces odeurs agiraient notamment sur le stress[6].
- Les bienfaits de la marche largement reconnus par la science. De très nombreuses études ont démontré l’intérêt de la marche sur pratiquement tous les pans de votre santé : cardiovasculaire, douleur, humeur (stress, fatigue, dépression…), perte de poids, prévention du cancer et des maladies chroniques, posture, énergie, pression artérielle, santé mentale, etc[7].
- Etc.
Nous ne pouvons pas nous passer de la nature (20’797 Ă©tudes scientifiques le prouvent !)
En 2017, une importante étude australienne a prouvé que les bienfaits de la nature ne se limitaient pas à ses aspects visuels[8].
Selon les chercheurs, de nombreux bienfaits de la nature ne viendraient pas de la vue, mais des autres sens, comme le toucher, l’ouïe, l’odorat et même le goût.
D’autres travaux ont montré que deux heures par semaine dans la nature suffisaient à améliorer le bien-être et la santé globale[9].
Plus gĂ©nĂ©ralement, quand on fait une recherche avec les mots-clĂ©s « nature », « expĂ©rience » et « santé » sur la base de donnĂ©es PubMed, qui archive la totalitĂ© des Ă©tudes scientifiques publiĂ©es, on trouve 20’797 publications !!
Parmi celles-ci, 43 ont été consacrées spécifiquement au Shinrin-Yoku, les fameux « bains de forêt » et à leurs bienfaits sur la santé.
La « nature virtuelle » peut-elle en dire autant ?
Le plaisir de ne pas tout contrôler
À tout cela, il faut encore ajouter :
- Le partage d’une expérience commune quand on se promène avec des amis (à l’inverse du casque qui nous isole du monde et des autres)
- La satisfaction de découvrir un beau panorama bien mérité après plusieurs heures d’effort (la réalité virtuelle permet de « tout voir tout de suite », sans le plaisir de l’effort)
Sortir en pleine nature, c’est aussi accepter de ne plus tout maîtriser autour de soi. On peut se tromper d’itinéraire par exemple, et surtout découvrir des beautés cachées de la nature qu’on n’imaginait pas : un écureuil qui grimpe le tronc d’un chêne, une grotte dans un rocher, un bosquet de mûres ou de myrtilles le long du sentier, des fourmis qui construisent leur fourmilière…
C’est accepter l’imprévu, la surprise, l’émerveillement. Car c’est cela qui caractérise la vie.
Un paysage généré artificiellement par ordinateur ne reproduira jamais ce qu’il y a de vivant et de sauvage dans la nature.
Le weekend dernier, avec ma femme et mes deux filles, nous sommes partis en randonnée dans le Jura. Après 2 heures de marche, nous nous sommes retrouvés nez à nez avec un troupeau de chamois, qui broutait tranquillement à quelques mètres de nous…
Vous imaginez bien l’excitation de mes deux filles !
Pensez-vous qu’une image de synthèse leur aurait procuré le même plaisir ?
L’ère du tout numérique : la crise a bon dos
Ces deux dernières années, la crise sanitaire aura servi de prétexte pour développer à une vitesse vertigineuse la réalité virtuelle à tous les niveaux :
- Les soignants sont épuisés : on veut les mettre devant un écran pour les détendre plutôt que de leur donner des vacances à la montagne
- On nous confine : c’est l’occasion de populariser le télétravail, les réunions en visioconférence, etc.
- La télémédecine a explosé : je ne serais pas étonné que nous soyons bientôt soignés par des algorithmes qui analyseront notre santé à partir de notre température, nos déficits…
Bref, le monde est en train d’évoluer de façon inquiétante.
Tout est fait pour que nous restions chez nous, seuls, et que nous ne « vivions » plus qu’au travers des écrans.
Alors que c’est justement cela qui nous rend malade !
Où est passé l’humain dans tout ça ? L’échange, le rire, le contact physique …
Où est passé le risque, l’aventure, la surprise, l’inattendu, l’effort et la découverte ?
Plutôt que de mettre des casques de réalité virtuelle sur les yeux de nos soignants, pourquoi ne leur offre-t-on pas des vacances à la montagne ou au bord de la mer ?
J’ai peur que toutes ces innovations nous déconnectent de plus en plus du monde réel, des autres et surtout, de nous-mêmes et de notre propre corps.
Metaverse : le projet fou de Mark Zuckerberg
Metaverse est le dernier projet en date de Mark Zuckerberg, le patron de Facebook.
Il consiste à créer un monde parallèle 100% virtuel où les utilisateurs pourront s’immerger à l’aide de casques 3D, rencontrer d’autres personnes virtuellement, construire des maisons fictives, acheter des objets numériques et même « voyager » pour de faux…
Tout ce beau monde serait généré par ordinateur.
Je ne sais pas vous, mais cela ne me fait pas du tout rĂŞver.
Et pourtant, une étude a montré qu’en 2026, une personne sur quatre passera au moins 1h par jour dans le Metaverse.
Microsoft, Apple, Disney, Nike… Les multinationales seraient déjà prêtes à investir en masse dans le Metaverse.
Mark Zuckerberg aurait dĂ©jĂ d’y consacrer 10 milliards de dollars rien qu’en 2022.
Le projet, qui rappelle le film Matrix, où des hommes branchés à des machines passent 24h/24 de leur temps dans un monde virtuel sans le savoir, est donc bien parti pour durer.
Retour Ă la terre
Mais je reste confiant.
Autour de moi, je vois bien que personne ne rêve d’un avenir tout numérique.
Au contraire, je constate un mouvement de plus en plus fort de retour vers la nature, vers la terre ferme…
De plus en plus de jeunes quittent les villes pour labourer un lopin de terre, apprennent à reconnaître et utiliser les plantes, se mettent à la randonnée ou à d’autres activités en plein air.
Je ne dis pas que la réalité virtuelle est inutile. Dans certains cas, cette technologie peut servir. Je pense par exemple aux personnes paralysées, qui pourraient « ressentir » à nouveau le plaisir de la marche. On sait aussi que la visualisation peut aider à la rééducation après une blessure ou une opération chirurgicale. Un casque de réalité virtuelle pourrait ainsi aider à récupérer plus vite après un accident.
Mais cela doit rester des exceptions. La majorité d’entre nous n’a aucun intérêt à tirer de ces mondes virtuels. Au contraire…
Nous avons besoin d’un socle solide pour nous construire et nous épanouir. Et ce socle, c’est la terre, l’humus, la nature… comme l’arbre qui, avec ses racines, puise ses nutriments dans le sol.
Il en va de notre santé, de notre bonheur et même de notre survie.
N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez en commentaire.
Quant à moi, tout cela m’a donné envie de retourner me balader en forêt avec ma petite famille.
Amicalement,
Florent Cavaler
Je suis tout à fait d’accord avec vous! On attire les jeunes sur le monde virtuel, on leur enlève le goût de l’effort de la découverte.
C’est triste, je me demande comment le monde va évoluer…
Les caprices de ces milliardaires vont nous emmener dans tous ces délires….
 » Le soleil vert » si je me souviens bien est un film qui m’avait donnĂ© froid dans le dos il y a qqs dĂ©cennies
LĂ le virtuel jouait un rĂ´le encore plus engoissant
Bonjour Monsieur. C’est avec un vif intĂ©rĂŞt que je viens de lire votre courrier et je suis entièrement de votre avis. J’aimerai vous faire part de mon propre ressenti car comme vous j’adore la nature, les animaux et les beaux paysages. Tout d’abord, mon premier plaisir c’est la voiture tant dĂ©criĂ©e, ensuite la (re)dĂ©couverte et la visite de merveilleux endroits et faire des photos pour garder en souvenir ce que l’on a vu. Jamais le numĂ©rique ne remplacera la joie, l’Ă©motion ou les jolies rencontres humaines ou animales que l’on peut faire.
Cordiales salutations.
C’est vrai que le tout virtuel n’est pas la panacĂ©e et que nous avons besoin de contacts directs avec la nature et les autres. par contre, les visio-confĂ©rences ont permis Ă une amie handicapĂ©e par une sclĂ©rose en plaques d’avoir des contacts plus « rĂ©els » qu’avec le tĂ©lĂ©phone. Elle pouvait nous voir, apprendre Ă mieux nous connaĂ®tre, participer Ă nos activitĂ©s d’Ă©change avec les autres et cela l’a considĂ©rablement Ă©panouie.
Si on pouvait l’emmener avec son fauteuil roulant dans la nature, ce serait mieux Ă©videmment ou se rassembler en prĂ©sentiel mais, pour elle, c’est vraiment un grand pas vers le mieux ĂŞtre.
Comme quoi il ne faut pas ĂŞtre dogmatique et ce qui est handicapant pour certains peut ĂŞtre libĂ©rateur pour d’autres.
En plus, dans nos rĂ©unions par zoom, cela nous permet d’ĂŞtre connectĂ©s avec des amis Ă l’autre bout de la France ou du monde, en Australie, Canada, USA, Tchad, Cameroun…
Il y a des avantages Ă chaque situation. Voyons le verre Ă moitiĂ© plein plutĂ´t qu’Ă moitiĂ© vide !
Randonneur de 77 ans, avec mon Ă©pouse, je suis Ă 110% d’accord avec vous!!! Vive la vraie vie!!!
Oh comme je suis d’accord avec vous !