Le mystĂšre des jarres vides dans les pyramides Ă©gyptiennes

ChĂšre lectrice, cher lecteur,

Vous avez sĂ»rement entendu parler de ces vestiges de l’Égypte antique.

Ces pyramides sont les tombeaux des plus riches Pharaons de l’histoire, comme KhĂ©ops, KhĂ©phren et MykĂ©rinos.

Quand les archĂ©ologues sont entrĂ©s pour la premiĂšre fois dans ces tombeaux, ils s’attendaient Ă  y trouver des sculptures et des bijoux en or, des amphores gravĂ©es, ou encore des sarcophages cernĂ©s de pierres prĂ©cieuses…


 Et toutes sortes de richesses plus somptueuses les unes que les autres.

Mais en arrivant dans les chambres funéraires, au centre de ces grandes pyramides, les archéologues étaient pétrifiés.

À la place des richesses auxquelles ils s’attendaient, ils ont trouvĂ© des centaines de jarres en terre
 vides.

Le mystÚre des jarres vides, enfin élucidé

C’est grĂące aux trouvailles de l’archĂ©ologue allemand GĂŒnter Dreyer, en 1993, que le mystĂšre des jarres vides a pu ĂȘtre Ă©lucidĂ©[1].

Comme tous ses prĂ©dĂ©cesseurs, il est entrĂ© dans le tombeau d’un prince de la dynastie Scorpion Ă  HiĂ©rakonpolis (Nekhen), pour y trouver… 700 jarres en terre vides.

Mais cette fois-ci, grĂące aux progrĂšs de la science, leur contenu si intriguant a enfin pu ĂȘtre analysĂ©.

Pour honorer leur prince, 3300 ans av. J.-C., les Egyptiens avaient placé dans sa tombe 4500 litres des meilleurs vins du monde[2]


Si les analyses des fameuses jarres vides ont enfin levé le voile sur ce mystÚre, les découvertes qui ont suivi ont bouleversé toutes les certitudes que nous avions sur le monde antique.

Les premiers oenologues de l’histoire

D’abord, vous devez savoir que ces vins, il y a 5000 ans, Ă©taient loin d’ĂȘtre de la “piquette”.

Au total, les Egyptiens avaient cinq catégories de vin[3] :

  • Paour, destinĂ© Ă  la domesticitĂ©, comme nos vins de cuisine
  • Nefer, ou “bon”
  • Nefernefer, “doublement bon”
  • Nedjem, le vin sucrĂ©
  • Shedeh, du vin cuit trĂšs alcoolisĂ© semblable Ă  du porto

C’est le temps de macĂ©ration et les sucres ajoutĂ©s lors du processus de fermentation qui dĂ©finissaient la qualitĂ© de ces vins.

Les meilleurs vins Ă©taient souvent servis lors de somptueux banquets.

Sur les murs des pyramides, les égyptologues ont découvert de nombreuses scÚnes de ces festivités.

Dans la tombe TT 181, qui renfermait les corps de Nebamon et Ipouky, on peut voir cette gravure oĂč Ipouky tend une coupe de vin Ă  son Ă©poux[3] :

(d’aprĂšs N. de Davies, The Tomb of Two Sculptors at Thebes, New York, 1925, pi. V)

Mais le vin n’était pas seulement une boisson rĂ©servĂ©e aux folles soirĂ©es des Ă©lites et aux chambres mortuaires.

Parmi les 700 jarres retrouvĂ©es par GĂŒnter Dreyer dans la tombe du prince Scorpion, certaines d’entre elles contenaient du vin
 et des herbes mĂ©dicinales[4].

Le médicament des Pharaons

Les Égyptiens de l’antiquitĂ© utilisaient principalement des herbes pour se soigner[3] :

  • De la rĂ©sine de pin contre les douleurs articulaires et les troubles respiratoires[4]
  • Du romarin contre les ballonnements, les troubles digestifs ou encore le stress[5]
  • Du sĂ©né contre les constipations et pour rĂ©guler le transit intestinal[6]
  • Ou encore de la coriandre, de la mĂ©lisse, de la menthe et de la sauge[2]


Pour conserver et développer les vertus de ces plantes médicinales, les guérisseurs égyptiens les plongeaient dans des jarres de vin.

Depuis ces dĂ©couvertes surprenantes sur l’utilisation du vin dans la mĂ©decine antique, des chercheurs de l’UniversitĂ© de Pennsylvanie ont entrepris des recherches pour tester les propriĂ©tĂ©s anti-tumorales de ces dĂ©coctions[2].

Votre vigneron est-il médecin sans le savoir ?

Vous le savez peut-ĂȘtre, l’usage du vin rouge dans la prĂ©vention de certains cancers a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© validĂ© par les scientifiques.

En effet, lorsqu’un vigneron crĂ©e son vin, il laisse les raisins fermenter.

Pendant ce processus, le resvératrol, un polyphénol présent dans la peau du raisin, se développe, tout comme des millions de bonnes bactéries (probiotiques)

D’aprĂšs des Ă©tudes britanniques, la consommation de ce polyphĂ©nol rĂ©duirait significativement le risque de cancer du cĂŽlon et du poumon[7,8].

Mais le raisin n’est pas le seul aliment fermentĂ© qui peut avoir un impact sur notre santĂ©.

D’aprĂšs l’Organisation Mondiale de la SantĂ© et l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture[9] :

“les aliments fermentĂ©s auraient un effet bĂ©nĂ©fique pour la santĂ© en amĂ©liorant la flore intestinale”

Ça, les Égyptiens le savaient dĂ©jĂ  il y a 5000 ans, tout comme :

  • Les SumĂ©riens qui fabriquaient de la biĂšre en fermentant des cĂ©rĂ©ales il y a 10 000 ans
  • Les Asiatiques qui fermentaient du riz pour produire du sakĂ©
  • Dans l’Égypte des Pharaons, les premiers boulangers du monde faisaient fermenter leur propre levain
  • Au Moyen-Âge, oĂč tout le monde buvait des prĂ©parations Ă  base de raisin ou de pommes fermentĂ©s pour Ă©viter les germes pathogĂšnes pollutions toxiques de l’eau des villes
  • Les paysans jusqu’au XIXĂšme siĂšcle, qui se nourrissaient principalement de gruau, des cĂ©rĂ©ales fermentĂ©es
  • Etc.

La fermentation est la plus ancienne technique de conservation des aliments.

Aujourd’hui, de nombreux foyers, et mĂȘme certains restaurants[10], redĂ©couvrent ce savoir-faire ancestral : pain au levain, kĂ©fir, vinaigre traditionnel, lĂ©gumes lacto-fermentĂ©s

Ce retour en arriĂšre, vous le savez peut-ĂȘtre, est liĂ© aux surprenants bienfaits de la fermentation pour notre santĂ©.

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Vous dĂ©couvrirez notamment comment rĂ©aliser vos propres recettes de fermentation dans votre cuisine
 et agir sur de nombreuses maladies.

Amicalement,

Florent Cavaler





[1] G. Dreyer, “Umm el-Qaab. Nachuntersuchungen im frĂŒhzeitlichen Königsfriedhof. 5./6 Vorbericht”, The Mitteilungen des deutschen archĂ€ologischen Instituts, Abteilung Kairo 49, 1993 ; Id., Umm el-Qaab I. Das prĂ€dynastische Königsgrab U-j und seine frĂŒhen Schriftzeugnisse, ArchĂ€ologische Veröffentlichungen 28, 1998.
[2] Tallet Pierre, Une boisson destinĂ©e aux Ă©lites : le vin en Égypte ancienne. In : Paratiques et discours alimentaires en MĂ©diterranĂ©e de l’AntiquitĂ© Ă  la Renaissance. Actes de 18Ăšme colloque de la Villa KĂ©rylos Ă  Beaulieu-Sur-Mer les 4, 5 et 6 octobre 2007. Paris : AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2008. pp. 39-51. (cahiers de la Villa KĂ©rylos, 19).
[3] Il y a cinq mille ans, les Égyptiens se soignaient avec du vin, Futura Science, Juillet 2020.
[4] Pierre Lefrançois, Gomme de pin, Passeport Santé, décembre 2006.
[5] Catherine Nowak, Romarin : 21 bienfaits et vertus pour la santé, Mon jardin ma maison, Juillet 2021.
[6] Séné : la plante de référence pour lutter contre la constipation passagÚre, Mon herboristerie, Juin 2014.
[7] Allen NE et coll. «Moderate alcohol intake and cancer incidence in ­women.» J Natl Cancer Inst, 2009; 101: 296-305.
[8] Cai H et coll. «Cancer chemoprevention: Evidence of a nonlinear dose response for the protective effects of resveratrol in humans and mice.» Sci Transl Med, 2015; 7: 298ra117.
[9] Report of a Joint FAO/WHO Expert Consultation on Evaluation of Health and Nutritional Properties of Probiotics in Food including Powder Milk with Live Lactic Acid Bacteria
[10] My B. Suri, restaurant et cantine aux aliments fermentés, Sortir à Paris, Juin 2019.

5 rĂ©ponses Ă  “Le mystĂšre des jarres vides dans les pyramides Ă©gyptiennes”

  1. François dit :

    ET donc, pourquoi les 700 jarres Ă©taient elles vides? C’est la fermentation qui en est la cause ??

  2. jean colette lavallez dit :

    J’aime…!!!! un grand MERCI pour toutes ces informations. C’est un rĂ©el plaisir

  3. Claudia dit :

    Bonjour,
    TrĂšs intĂ©ressant, surtout les dĂ©tails et les noms, mais une petite remarque: Il est logique de penser et dĂ©duire que des jarres ou amphores vides contenaient soit du liquide, soit du grain ou des fruits, le « mystĂšre » rĂ©side Ă©ventuellement dans la nature du contenu et l’on sait que les anciens buvaient du vin et utilisaient les plantes probablement mieux que nous!

  4. MAYER dit :

    Tout le monde reconnaĂźt les bienfaits des aliments fermentĂ©s du monde entier et en particulier en Chine et au Japon. Mais je voudrais simplement rajouter Ă  la liste Ă©voquĂ©e, notre trĂšs national plat Alsacien qu’est la CHOUCROUTE qui fermente longuement avec du gros sel en fĂ»ts de grĂšs ou dans d’énormes jarres en poterie bleue et grise de Betschdorf, pendant plusieurs mois, du printemps Ă  l’hiver, oĂč elle est consommĂ©e, crue ou cuite !… Restons français …… en terme de gastronomie !… 😏

  5. max AUTIN dit :

    BONJOUR merci pour ces infos trĂšs intĂ©ressantes ( pour moi ) .Elles attestent l intelligence de nos ancetres pour connaitre le BON et l’UTILE (sauf pour les dĂ©funts….)
    salutations

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