L’arbre qui se prenait pour un lion
Chère lectrice, cher lecteur,
Il y a dans la savane une créature plus redoutée que le lion, le tigre ou le guépard.
Et devinez quoi : il ne s’agit pas d’un animal, mais d’un… végétal.
Aujourd’hui, j’aimerais vous faire découvrir l’univers inquiétant d’un arbre pas comme les autres, qui fait même trembler les éléphants : l’acacia.
2 bonnes raisons de consommer du miel d’acacia
De l’acacia, on connaît surtout son miel. Sa couleur pâle et sa texture parfaitement liquide en font un des miels les plus appréciés.
Pas seulement pour son goût, d’ailleurs, mais aussi pour ses vertus thérapeutiques qui ont fait l’objet de plusieurs études scientifiques.
Le miel d’acacia est avant tout un excellent antibactérien. On l’utilise pour accélérer la cicatrisation des plaies infectées et brûlures de la peau[1]. Pour l’utiliser, c’est très simple : nettoyez la surface lésée à l’eau et appliquez une compresse imbibée de miel directement dessus. Renouvelez tous les jours.
Le miel d’acacia serait aussi le sucre le plus adapté pour les diabétiques. En effet, c’est le miel qui aurait l’index glycémique le plus bas : entre 20 et 35 selon les sources[2], contre 60 en moyenne pour les autres miels.
Il augmente également le peptide C à jeun et deux heures après le repas[3]. Le peptide C est un précurseur de l’insuline : plus le dosage est important, plus le pancréas peut produire de l’insuline, et donc réguler la glycémie de manière autonome.
Mais attention : l’acacia possède une autre facette, plus sombre…
Médecin ou… tueur ?
L’acacia est aussi un tueur. Mais ne vous inquiétez pas, il s’en prend seulement aux animaux qui osent manger ses feuilles.
Je partage avec vous l’histoire stupéfiante, mais vraie, que l’écrivain Didier Blonay avait écrite pour La Pharmacie secrète de Dame Nature.
Vous verrez que cette histoire sort un peu du domaine de la santé. Mais elle montre la formidable intelligence des plantes pour survivre dans un milieu sauvage.
Et quand on voit les prouesses que les plantes sont capables de réaliser, on n’est plus tellement surpris de ce qu’elles peuvent alors faire pour notre santé.
Bonne lecture !
Florent Cavaler
L’arbre qui se prenait pour un lion (par Didier Blonay)
C’est arrivé soudainement : une, puis deux, puis trois antilopes koudous trouvées mortes, à proximité les unes des autres.
Bien sûr, des antilopes qui meurent, cela peut toujours arriver, même trois d’un coup ou presque. Mais bien d’autres ont suivi et la question s’est vite posée de savoir de quoi elles mouraient. Spontanément, on pensait aux braconniers.
Mais pourquoi laisseraient-ils les cadavres sur place ?
En regardant les corps de près, l’affaire était encore plus troublante : pas de sang, pas de blessures apparentes ni traces de morsure, et aucune marque corporelle indiquant une maladie.
Mais de quoi, à la fin, mouraient donc ces pauvres bêtes ? On n’imaginait pas que cette question banale puisse donner lieu à une enquête franchement extraordinaire, avec force, empoisonnements et armes sournoises.
Premier acte : fin des années 80. Théâtre des opérations : Afrique du Sud, dans la savane du Transvaal, au nord-est du pays. Les gardes et vétérinaires, plus que perplexes en examinant les cadavres des koudous, font une constatation étonnante : les bêtes sont efflanquées, comme si elles étaient mortes de faim, alors que la savane offre à l’époque dans la région une végétation tout à fait suffisante pour nourrir la faune qui s’y trouve.
L’enquête va donc se déplacer sur le terrain scientifique. On fait appel à un chercheur reconnu, un certain Wouter Van Hoven, du Centre de gestion de la vie sauvage, à Pretoria, capitale de la province.
Les koudous sont autopsiés tandis qu’on répertorie toutes les connaissances acquises sur le comportement de cet animal. On connaît bien dans le Transvaal sa nourriture favorite, à savoir l’acacia.
Et justement, on trouve dans l’estomac des koudous morts des feuilles entières d’acacia non digérées. Pourquoi l’acacia ne réussirait-il plus à cette antilope qui d’ordinaire s’en régale et s’en porte très bien ? Puisque l’enquête sur le terrain ne donne rien, c’est de la science qu’on attend maintenant toutes les lumières.
Cette histoire, malgré ses airs de roman policier, est bien réelle. Les chercheurs, intrigués par cette hécatombe et les résultats des autopsies, ont naturellement commencé à soupçonner l’acacia. Car ils savent à quel point cet arbre peut être redoutable.
Auparavant, une autre espèce d’acacia, du nom d’Acacia drepanolobium, avait déjà passionné la communauté scientifique pour ses relations tout à fait spéciales avec… les fourmis.
Unis pour le meilleur et pour… le pire
Entre animaux et végétaux, il existe fréquemment une relation dite « mutualiste ». En biologie, le mutualisme désigne l’association équilibrée et bénéfique entre deux partenaires.
C’est exactement ce qui se passe entre l’Acacia drepanolobium et les fourmis agressives du genre Crematogaster. L’arbre fournit à l’insecte le gîte et le couvert, en échange de quoi celui-ci monte la garde et défend l’acacia contre ses prédateurs.
Accrochez-vous-bien, car cette organisation est un peu compliquée.
Le gîte se trouve tout au long des branches qui sont hérissées d’épines. Ces épines se trouvent elles-mêmes au sommet de renflements que les fourmis creusent pour s’y loger.
Quant à la nourriture, l’acacia fournit aux fourmis un repas complet, contenu dans des sortes de petites capsules jaunes ou orangées, situées à la base des folioles. Les fourmis y puisent un nectar riche en lipides, en sucres et en protéines, satisfaisant à tous leurs besoins.
En échange, donc – car rien n’est gratuit, même dans la nature – les fourmis sont chargées du gardiennage. Quand d’autres insectes parasites tentent un débarquement sur l’arbre, elles engagent aussitôt la contre-attaque.
Mais pour certains scientifiques, le dévouement admirable des fourmis irait au-delà d’un échange de services équitable entre l’arbre et l’insecte.
Selon le chercheur allemand Martin Heil, l’acacia manipulerait en fait les fourmis en leur fournissant leur nourriture[4].
Comment ? Le fameux nectar, aliment complet, contiendrait une enzyme, la chitinase, qui inhibe chez la fourmi la fabrication de l’invertase, autre enzyme permettant d’assimiler le saccharose.
Pour faire simple, les fourmis, devenues inaptes à digérer le saccharose, ne peuvent plus se nourrir qu’avec le nectar, en quelque sorte prédigéré, que leur fournit l’acacia. Ce qui fait dire à certains spécialistes, avec Martin Heil, que le fameux “mutualisme” pourrait bien, plus d’une fois, cacher une manipulation de l’un par l’autre. Dans le cas de l’acacia et des fourmis, certains vont jusqu’à dire que l’arbre a réduit les fourmis en esclavage.
Et cela ne protège pas seulement l’acacia contre les insectes parasites… il y a aussi des ennemis de plus grande taille : les herbivores qui se régalent des feuilles d’acacia.
Mieux encore (ou pire) : les éléphants eux-mêmes aiment se faire une friandise de quelques branches d’acacia… et les fourmis sont là d’une efficacité terrible.
Quand on sait qu’elles sont plusieurs dizaines de milliers sur chaque arbre, elles peuvent attaquer en force en menant des raids massifs à l’intérieur de la trompe de l’agresseur. L’éléphant, piqué et mordu à profusion dans son intérieur sensible, s’écarte en vitesse et n’y revient plus.
Coupables, les fourmis ? Pas si vite…
Malheureusement, ces éclairages scientifiques ne nous permettent pas de démasquer les coupables de la tuerie des koudous. Et cela pour une raison simple : c’est une autre espèce d’acacia qui a eu raison des antilopes, et celle-là n’a pas de relation privilégiée avec les fourmis.
Mais alors quelle est son arme secrète ?
Pour percer ce mystère, les scientifiques se sont penchés sur un détail important : les feuilles d’acacia retrouvées dans l’estomac des koudous morts n’étaient pas digérées.
Après analyse de ces feuilles, ils trouvent qu’elles présentent un taux de tanin considérable et toxique à un niveau mortel. Les spécialistes consultés là -dessus ne voient qu’une explication, tout à fait étonnante : l’arbre, mis en danger par la présence trop massive des antilopes, s’est défendu en sécrétant ce poison.
Cette explication est confortée par l’observation : les feuilles sur les arbres ont un taux de tanin normal dès lors que l’arbre n’est pas menacé par un prélèvement excessif de son feuillage. L’arbre fabrique du poison qui rend ses feuilles indigestes en fonction de la menace.
Les feuilles deviennent alors immangeables, l’antilope maigrit faute de nourriture et succombe si elle a absorbé trop de feuillage empoisonné.
Une véritable association de malfaiteurs
À en croire les gardes des fermes et réserves du Transvaal, les acacias et les antilopes coexistent en général dans la mesure où ces herbivores se servent sur l’arbre avec modération, sans le massacrer.
Comment expliquer alors tous ces épisodes d’hécatombe, dont le premier a été enregistré dans les années 80 ? La population de koudous a-t-elle connu une croissance exceptionnelle ? Sont-ils devenus plus voraces ?
Eh bien non, rien de tout cela. En réalité, ce sont exclusivement des koudous d’élevage que l’on a retrouvés morts au pied d’acacias. Enfermées dans leur enclos, les antilopes n’avaient aucun moyen de se tourner vers d’autres sources de nourriture.
Les acacias, agressés à répétition, ont ainsi mis au point leur redoutable mécanisme de défense.
Voilà ce qui arrive quand l’être humain vient perturber l’équilibre fragile de la nature.
Et ce n’est pas tout.
L’acacia est en plus capable d’émettre, en cas de danger, une sorte d’alerte pour mettre en garde les autres acacias dans les parages ! Comment ? En libérant un message sous forme d’éthylène[5].
Ainsi, nous réaffirment biologistes et chimistes, tout communique et parle dans la nature, traversant tout le vivant, animaux et végétaux, dans l’air et dans le sol, des arbres aux insectes en passant par les micro-organismes, avec ce que les scientifiques nous disent être le “langage de la nature” : un langage chimique.
Et c’est ainsi que l’acacia, rebaptisé dans le Transvaal « tueur en série d’antilopes », est comme une sorte de parrain de la savane, avec sa chimie comme langage codé et comme arme fatale…
Didier Blonay
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Erratum : miel d’acacia… ou pas
Chère lectrice, cher lecteur,
Dans ma dernière lettre, je vous parlais de l’arbre tueur de gazelles et des bienfaits du miel d’acacia.
Mais je n’ai pas précisé que le miel d’acacia n’est pas issu de… l’acacia.
L’acacia est un genre d’arbre appartenant Ă la famille des FabacĂ©es et qui compte près de 1 500 espèces diffĂ©rentes (dont le fameux meurtrier de l’histoire).
Or le miel tant apprécié ne provient pas de l’une de ces 1 500 espèces.
Il vient d’un autre arbre : le robinier faux acacia (Robinia pseudoacacia).
Cet arbre, qu’on appelle à tort « acacia », n’a en réalité aucun rapport avec le genre « acacia ».
Si le miel d’acacia vous évoque la savane africaine, les girafes et les lions, vous risquez donc d’être un peu déçu : la plupart du temps, ce miel est produit en Europe. Il serait d’ailleurs plus juste de l’appeler « miel de robinier. »
Mais cela n’enlève rien à ses vertus ni à son goût.
Toutes mes excuses pour la confusion, et merci aux lecteurs éclairés qui ont signalé cette erreur !
Amicalement,
Florent Cavaler
Pour moi il est trop tard
Bonjour,
Nouvelle erreur dans le mail d’Erratum de Pure SantĂ©.
Vous signalez que les acacias vrais (ceux de la vaste famille du genre Acacia, dont l’arbre tueur) font partie de la famille des FabacĂ©es. C’est faux : c’est le robinier faux-acacia (celui dont on tire le miel) qui fait partie des FabacĂ©es.
Les acacias font partie des MimosacĂ©es. Je vous l’avais pourtant Ă©crit clairement dans mon prĂ©cĂ©dent message.
Errare humanum est, perseverare . . .
Ce robiner ou faux accacia qui est un lignieux, donc tige en bois est aussi une lĂ©gumineuse (comme le trĂŞfle, la luserne qui sont des herbassĂ©s) sont capable de fixer l’azote de l’air dans leur nodositĂ©s placĂ©s sur les racines afin de complĂ©ter l’alimentation puisĂ© dans le sol. Cet arbre est vraiment Ă part, de plus il produit des graines Ă la suite des fleurs qui ne germe que si on les Ă©bouillante juste avant de les mettre en terre.
je viens de lire cet article très instructif ,mais maintenant je ne regarde plus vos messages sauf les gros titres car a chaque fois c’est une demie heure de lecture pour connaitre la rĂ©ponse a la question que vous traitez
bien trop long
cl.somny
J’ai peur que le miel d’accacia q’on trouve dans nos magazins,soit du miel de robinier(pseudoaccacia).Par ailleur l’article est très intĂ©ressant.
Bonjour,
J’ai lu votre article, mais il y a quelque chose d’un peu dĂ©calĂ©. En effet l’acacia dont l’article parle est du genre  » Acacia  » de la mĂŞme famille que le mimosa, arbres
qui son originaires des quatre continents exceptĂ© l’Europe, Alors que dans la prĂ©sentation il est question de miel d’acacia qui est rĂ©coltĂ© chez nous en Europe sur un arbre originaire d’AmĂ©rique du nord et qui s’appelle  » robinier faux acacia  » Robinia pseudoacacia  » de son nom scientifique. Merci d’ĂŞtre un peu plus prĂ©cis pour ne pas crĂ©er de confusion dans l’esprit des gens qui vous lisent.
Bien Ă vous W. Reutenauer
Bonjour,
Vous commencez votre article par Ă©voquer le miel d’acacia, mais, si je ne me trompe pas, ce que l’on appelle du miel d’acacia chez nous nous est du miel produit en butinant les fleurs du robinier pseudo-acacia, appelĂ© communĂ©ment acacia. Pourriez-vous m’Ă©clairer sur cette autre variĂ©tĂ© de miel?
Cordialement
Agnès Mahuzier